|
1 février 1835 - Numéro 5 |
|
|
|
INSTRUCTIONS
sur les élections du conseil des prud’hommes.Section de soierie. [1.1]Les listes des électeurs ont été affichées dimanche dernieri. Une liste de rectifications relative aux 4e et 5e sections a été publiée, sur notre demandeii, mercredi 28 janvier ; les autres listes supplémentaires et de rectifications, le seront, seulement, le premier mars prochain, en exécution de l’article 4 de l’arrêté de M. le Préfet (V. le n° 3). Le délai pour les demandes, soit en inscription, soit en radiation, est expiré, vendredi dernier. Nous avons à cet égard, fait ce qu’il était en notre pouvoir, par l’avis inséré en tête de notre dernier numéro du journal. D’aujourd’hui, 1er février, à jeudi prochain, 5 février, inclusivement, MM. les maires de chaque commune, assistés de trois membres du conseil municipal, prononceront sur toutes les réclamations. Les décisions seront notifiées aux parties, du jeudi, [1.2]5 février courant, au mardi, 10 février suivant. Ceux qui auraient fait des réclamations et ne recevraient pas avis de la décision, dans le susdit délai, devront se transporter à leur mairie, afin de connaître le résultat. Si le résultat n’est pas conforme à la demande, le citoyen qui croira devoir persister, pourra appeler de la décision du Maire, à M. le Préfet, en son conseil de Préfecture. Le délai de cet appel commencera le mardi 10 février, et sera clos le dimanche 15 février. Tous ces délais sont de rigueur. Les démarches, appels, etc., dont il vient d’être parlé, ne nécessitent aucun frais. Toutes les personnes qui auraient besoin de plus amples renseignemens peuvent s’adresser au bureau du journal ou au rédacteur en chef, dans son cabinet, rue du bœuf, n° 5, au 2e, de 10 heures à midi, où toutes les instructions, à ce sujet, leur seront données, gratuitement.
i. Lorsque les rectifications auront paru, nous publierons une statistique qui pourra intéresser les lecteurs. ii. Aussitôt que les listes furent posées, la circonscription des 4 e et 5 e sections attira l’attention publique. M. Charnier et 51 autres chefs d’atelier étaient éliminés de la première et portée à la seconde. Comme on connaît les démêlés de M. Charnier et Labory, on crut d’abord que c’était un moyen pour empêcher l’élection du premier. Cette opinion fut instantanément partagée par le Censeur, le Réparateur et la Gazette du Lyonnais. Nous remercions ces journaux de l’appui que la classe ouvrière a trouvé en eux, à cette occasion, et qui aurait pu lui être utile ; mais nous pouvons assurer que ce n’est que par erreur que ces électeurs avaient été portés à une section différente de la leur. En effet, il nous appartenait à nous, dont le journal est l’organe spécial des ouvriers, de nous enquérir des motifs quels qu’ils fussent, et d’obtenir la rectification ; c’est ce que nous avons fait, lundi dernier. Le chef du bureau des contributions, auquel nous nous sommes adressés, s’est prêté de la meilleure grâce possible, et de manière à éloigner tout soupçon, si jamais il avait pu en entrer dans notre esprit, à opérer la rectification ; les 52 électeurs, dont s’agit, ont été réintégrés. L’élection de M. Charnier, dans cette section, nous paraît certaine.
Les précédentes listes pour l’élection des prud’hommes étaient par ordre alphabétique, et les électeurs des différentes sections étaient tous confondus. Nous avons remarqué avec plaisir qu’on avait suivi pour les nouvelles listes un ordre plus rationnel. Les électeurs ont été divisés par sections. Il faut rendre justice à qui elle est due. Sans cette division il eût été impossible de faire rectifier de suite l’erreur commise à l’égard de la 4me section, on ne s’en serait aperçu qu’à la réception des lettres de convocation.
Un conflit s’est engagé entre MM. les maires des communes de la Croix-Rousse, de Caluire et celui de Lyon. Les deux premiers ne veulent pas dresser les listes des électeurs qui demeurent sur le cours d’Herbouville et dans le faubourg de Bresse (3e section), sous le prétexte que c’est M. le maire de Lyon qui préside cette section. Ce prétexte est on ne peut plus futile. Aussitôt que nous avons eu connaissance de cette difficulté par le rapport de plusieurs chefs d’atelier, nous avons cru devoir nous adresser pour la faire cesser, à M. le président du conseil des prud’hommes. M. Riboud nous a promis d’en référer immédiatement à M. le préfet. Nous instruirons nos lecteurs du résultat. – Dans tous les cas il ne saurait y avoir d’élection tant que les formalités légales n’auront pas été remplies.
SECTIONS DE BONNETERIE ET DE DORURE. C’est demain, lundi, que les électeurs de la section de bonneterie, bas et tulles, sont appelés à nommer trois prud’hommes, en remplacement de MM. berthaud, cochet et jarnieux. – Les élections auront lieu à 5 heures du soir, dans la salle des mariages, à l’Hôtel-de-Ville. Après-demain, mardi, les électeurs de la section de dorure, passementeries, etc., nommeront également trois prud’hommes en remplacement de MM. alloignet, [2.1]putinier et wuarin. – Les élections auront lieu à 11 heures du matin, dans la même salle. Les listes de rectifications de ces deux sections, ont été arrêtées, le samedi, 24 janvier dernier. Elles comprennent, savoir ; la 1re, une augmentation de onze électeurs, ce qui porte le nombre à 82. Ces onze électeurs sont ainsi répartis : 3 marchands fabricans de bas ; 6 marchands fabricans de tulle et 2 fabricans de tulle. La 2e comprend une augmentation de neuf électeurs, ce qui en porte le nombre total à 80. Ces neuf électeurs sont ainsi répartis : 1 marchand fabricant de dorures ; 1 marchand fabricant passementier ; 1 marchand passementier ; 1 guimpier ; l passementier ; 1 fabricant de dorures ; 2 tireurs d’or et 1 fabricant de rubans. Ces deux listes supplémentaires n’ont pas été affichées, quoique les précédentes l’aient été. Nous ne pouvons qu’inviter les électeurs de ces deux sections à se rendre où leur devoir les appelle, et à se consulter sur le mérite des candidats. Le conseil des prud’hommes est destiné à prendre une grande importance ; il ne faut le composer que d’hommes capables et consciencieux. Que les électeurs, surtout, n’oublient pas qu’ils sont aussi les mandataires de cette masse de travailleurs justiciable du conseil des prud’hommes, et qui n’a pas encore été admise à concourir à leur nomination. Lorsqu’ils auront fait ces réflexions, ils ne seront point étonnés que nous ayons appelé devoir, ce que, peut-être, ils seraient tentés de regarder comme un droit dont il leur serait facultatif d’user, N. B. Les électeurs qui n’auraient pas reçu leurs cartes, doivent se présenter de suite à la mairie de Lyon, pour la retirer, et à défaut, ils peuvent se présenter à la salle des élections, en se faisant réclamer par un de leurs confrères, ils obtiendront de déposer leurs votes.
Au moment où le conseil des prud’hommes va être renouvelé presque en entier (23 membres sur 31), il sera peut-être agréable aux électeurs d’avoir le tableau suivant à consulter, qui se compose du nom des prud’hommes actuels divisés par section, avec un chiffre indiquant le nombre de fois qu’ils ont siégé. Les lecteurs n’oublieront pas qu’il y a eu 15 audiences compris celle extraordinaire du 29 décembrei. Section de soierie. Tous les prud’hommes de cette section sont sortans. Nous indiquerons ceux sortans par la lettre s., et ceux démissionnaires, par celle d. M. Riboud a présidé 11 fois ; M. Roux, 1 fois ; et M. Putinier, 3 fois. Les autres membres ont siégé, savoir : Fabricans, MM. Bourdon 8 fois ; Charnier n’a pas siégéii ; Dufour 8 ; Dumas 8 ; Labory 9 ; Milleron 7 ; Perret l2 ; Vérat 9. Négocians, MM. Bender 3 fois ; Auguste Dépouilly n’a pas siégé ; Gaillard 7 ; Joly 10 ; Micoud 13 ; Pellin 2 ; Roux 10 (outre le jour où il a présidé) ; Troubat 3. Section de bonnneterie, tulle, etc. MM. Berthaud d. 8 ; Chantre 12 ; Cochet s. 9 ; Jarnieux s. 6. Section de chapellerie. MM. Arragon 1 ; Ferréol 3 ; Jubié 4 ; Rodet 4 ; Teissier 8. [2.2]Section de dorure. MM. Alloignet d. n’a pas siégé ; Blanc 5 ; Fichet 6 ; Putinier s. 6 (outre les 3 fois qu’il a siégé comme vice-président) ; Wuarin s. 13.
i. Nous avons fait observer à l’égard de celle-ci que le remplacement de M. Dumas par M. Labory était une cause de nullité qui pourrait devenir préjudiciable à un chef d’atelier ; M. Dumas aura à s’expliquer avec ses commettans sur ce fait, ainsi que sur le double rapport dont il menaçait M. Carrier. ii. On ne peut en faire un reproche à M. Charnier ; il avait reçu le mandat exprès de ne pas siéger tant que M. Labory s’obstinerait à se considérer prud’homme, malgré 1° son changement de domicile ; 2° sa sa sortie légale par la voie du tirage au sort. D’ailleurs, on sait que ce prud’homme a amplement compensé son absence du conseil par ses travaux comme arbitre et ses démarches en faveur de ses confrères, toutes les fois qu’ils ont eu recours à lui. Nous doutons que le conseil ait gagné autant, par la présence de M. Labory, qu’il a perdu par l’absence forcée de M. Charnier.
AU RÉDACTEUR.
Lyon le 28 janvier 1835. Monsieur, l’indicateur contient dans son dernier numéro, à l’article Conseil des Prud’hommes, la questioni suivante. « Lorsqu’un maître se permet de négliger son élève, à un tel point, qu’au bout de quinze mois, elle n’a pas encore son métier, l’atelier est-il mis sous surveillance ? – Oui ; vu que le maître était dans ses torts, n’ayant pas de raisons valables pour justifier sa négligence, et devra donner de suite un métier à son élève. « Ainsi jugé entre Rivat, chef d’atelier, et Rozier, apprentie. » Cette rédaction est on ne peut plus fautive. Il en résulterait que la mise en surveillance de mon atelier serait une peine prononcée contre moi ; tandis qu’elle n’a été, de la part du conseil, qu’une simple mesure préparatoire, une espèce d’avant faire droit. Le conseil n’a pas entendu prononcer contre moi un blâme quelconque ; il a voulu s’enquérir et surveiller l’apprentie. C’est dans son imagination que le rédacteur de l’Indicateur a trouvé tout ce qu’il ajoute, et il ne donne pas là une bien grande preuve de son zèle pour la défense des ouvriers ; il me semble qu’avant de censurer ainsi la conduite d’un chef d’atelier le rédacteur aurait dû chercher à connaître la vérité, puisqu’il ne voulait pas se contenter de faire comme faisait l’Echo de la fabrique et comme vous faites, c’est-à-dire annoncer purement et simplement la mise en surveillance d’un atelier sans faire peser la responsabilité sur le maître, et ne pas transformer en question de droit un point de fait. Si le rédacteur de l’Indicateur eût voulu savoir, je lui aurais dit ce que j’ai dit au conseil. La demoiselle Rosier est venue chez moi en janvier 1834, mais ce n’est qu’au mois d’août suivant et après de nombreuses sollicitations qu’elle a consenti à passer des engagemens, et par contre, je n’ai pu la considérer comme apprentie que depuis cette dernière époque. Il y a donc aujourd’hui environ cinq mois qu’elle est mon apprentie, et non pas quinze mois comme l’a dit faussement l’Indicateur ; et dans cet espace de temps je lui ai appris tout ce qu’elle était susceptible d’apprendre. M. Labory, prud’homne, chargé de la surveillance, m’a rendu justice à cet égard. J’ai cru devoir dans mon intérêt relever les inexactitudes de votre confrère et je vous prie d’insérer la présente ; etc. RIVAT.
i. n. d. r. L’Indicateur a trouvé convenable de nous imiter en enrichissant son compte rendu des séances du conseil des prud’hommes de prétendues questions de droit qu’il arrange très plaisamment sans nul souci des règles les plus simples de la grammaire et de la logique. Par exemple: dans son numéro 17 il soumet naïvement cette question à ses lecteurs: « La maîtresse a-t-elle le droit de refuser sa nourriture et même de la frapper lorsque l’apprentie se refuse à faire autre chose que sa profession ? » Il se prononce pour la négative. C’est fort heureux mais jamais pareille question n’a été mise en délibéré devant aucun tribunal. Il ne suffit pas de copier, il faut comprendre.
CONSEIL DES PRUD’HOMMES.
Séance du 29 janvier 1835. Président M. Riboud, Membres : MM. Blanc, Chantre, Cochet, Dufour, Dumas, Jubié, Micoud, Perret, Putinier, Rodet, Roux, Vérat, Wuarin. 19 causes sont appelées, dont 4 sur citation, 3 sont arrachées ; 2 renvoyées à huitaine ; 2 jugées par défaut, les autres jugées contradictoirement ou renvoyées en conciliation. Au nombre de ces dernières se trouve celle de Bernard contre Luquin frères. Les affaires suivantes ont présenté de l’intérêt ; bernard contre biollay – Faits : Biollay avait pris pour apprenti le sieur Bernard, jeune homme de 13 ans, frère d’un négociant de cette ville. Le temps de l’apprentissage fut fixé à 3 années, Biollay devait lui apprendre la théorie pendant le cours de la dernière ; le prix fut fixé à 350 fr.i ; et Biollay s’en rapportant aux assurances [3.1]de la tante du jeune Bernard, et à la considération dont jouit la famille, omit de stipuler un dédit dans le cas où l’apprenti ne finirait pas son tempsii. Il en est résulté que ce jeune homme ayant beaucoup d’intelligence et Biollay lui ayant donné des soins particuliers, il se trouve en état d’être ouvrier au bout de 15 mois et en ce moment il fait plus que la tâche. Sous le prétexte de vouloir lui faire apprendre la fabrication des velours ; Bernard fait appeler Biollay en résiliation de l’acte d’apprentissage. L’indemnité n’ayant pas été fixée lors de la convention, parce que suivant l’idée de beaucoup de personnes qui s’imaginent que la délicatesse est en raison directe de la fortune, elle n’avait pas été prévue ; c’était au tribunal à la fixer. Le conseil a alloué, 50 fr. seulement, en sus du prix de l’apprentissage. La question suivante était donc à juger : L’apprenti qui a traité pour 3 ans et 350 fr., peut-il racheter les 21 derniers mois de son apprentissage moyennant une indemnité de 50 fr. ? – Ouiiii. bofferding contre gelot et ferrière. – La cause venait à l’audience pour la fixation des frais de montage réservés par le jugement du 20 décembre dernier. Ces frais ont été établis à 70 fr. 80 c., savoir : 40 f. 80 c. pour dépenses et 30 f., pour six jours de travail à 5 fr. Gelot et Ferrière ont été condamnés au paiement de cette somme, ils n’avaient offert que 30 fr. gervais contre gouillon. – Cette affaire qui concerne la section de chapellerie a été renvoyée en conciliation devant MM. Rodet et Jubiéiv. perton contre giraud. – M. Giraud négociant, s’était chargé de mettre en apprentissage un jeune enfant de Barcelonnette, il l’avait confié à Perton en lui faisant espérer des conventions avantageuses. N’ayant pas été ensuite d’accord, et Perton ne voulant pas garder l’élève, Giraud offrait pour toute indemnité 50 cent. par jour. La question à juger était celle-ci : Lorsque l’apprentissage projeté n’a pas lieu, est-il dû une indemnité au chef d’atelier, indépendamment du prix de la nourriture ? – Oui. Le conseil a condamné Giraud à payer 50 c. par jour pour la nourriture de l’apprenti, plus 40 fr. d’indemnité. fixe contre kimmerlin. – Il s’agissait du prix de plusieurs planches gravées. La cause a été renvoyée à lundi prochain devant MM. Troubat et Vérat. dumas contre mailloux – Le chef d’atelier reprochait à son élève des infidélités. La cause a été discutée à huis clos, mais le jugement a été rendu en audience publique. Le conseil a alloué 150 fr. au fabricant.
i. Le prix d’un apprentissage se compose de deux sommes, si nous pouvons nous servir de cette expression qui rend notre pensée, 1° une somme en argent, 2° une somme en travail ou temps. Elle sont en proportion l’une de l’autre. Plus l’apprenti donne de temps, moins il donne d’argent et réciproquement. La résiliation des conventions en ce qui touche le temps fixé, cause donc au maître un préjudice aussi grand que si on diminuait arbitrairement la somme d’argent ajoutée. ii. Les chefs d’atelier stipulent ordinairement 2 ou 300 francs. iii. Cette décision n’est pas conforme à celles précédentes du conseil, dans des cas analogues. Elle nous paraît injuste et préjudiciable à la fabrique. Quel est, en effet, l’apprenti qui ne voudra pas, moyennant une faible somme de 50 fr. racheter vingt-un mois de travail, si le maître n’est pas assez prévoyant pour fixer une indemnité convenable. Il faut espérer que le tribunal de commerce réformera cette sentence, et que le conseil des prud’hommes n’adoptera pas une semblable base pour sa jurisprudence. iv. Nous avons remarqué que le lieu du rendez-vous a été fixé chez M. Rodet, l’un des arbitres. Nous croyons qu’il serait préférable que toutes les séances arbitrales fussent indiquées au greffe du conseil, comme nous l’avons demandé et obtenu dans le temps, pour la section de soierie.
SOUSCRIPTION
POUR L’AMENDE DE LA TRIBUNE PROLÉTAIRE. 4e liste ouverte au Bureau. MM. Aug. M…, 2 f., Giraud, propriétaire à St-Maximin (Var), 2 f., Prost, 5 f., Chambost, 50 c., Del… fils, 3 f., Gras, ami des travailleurs, 1 f. 50 c., Un ami des prolétaires, 2 f., Anonyme, 2 f., B… Y…, 1 f., N. P., ami des travailleurs, 1 f. 50 c., Anonyme prolétaire, 1 f., C. V. F., 75 c., Un ancien militaire, 30 c. Total : 22 fr. 55 c.
Les notables commerçans ont procédé le 19 janvier dernier et jours suivans à l’élection des membres du Tribunal de Commerce de Lyon [3.2]sortans par expiration de leurs fonctions ou démissionnaires (Voyez le numéro 3). M. Jacques bodin a été nommé président ; MM. Prosper chappet, Auguste delore et bizot-loth, juges suppléans ont été nommés juges titulaires ; MM. Benoît pupier, Joseph vachon, Emmanuel mouterde, Auguste prénat et Alphonse pithiot ont été nommés juges suppléans.
SUR LES CAISSES D’ÉPARGNES.i Il y a trois classes assez distinctes de personnes à qui la caisse d’épargne peut être très utile, savoir : les ouvriers, les campagnards et les domestiques. Les ouvriers, à l’exception des femmes célibataires, qui sont naturellement plus sobres et plus rangées, apportent difficilement leur tribut à la caisse d’épargne. Les entraînemens, de la débauche, les sollicitations du cabaret, la perte d’une seconde journée par semaine, qu’on appelle faire le lundi, une sorte de mauvaise honte, le billard, le jeu, la camaraderie, toutes ces causes agissent sur le moral de l’ouvrier avec une force plus ou moins grande. C’est à la presse de leur faire comprendre, c’est aux citoyens de leur enseigner qu’il faut économiser dans l’âge du travail, pour se préparer un petit pécule dans l’âge des infirmités ; que la débauche use leurs forces, et les conduit tout droit à l’hôpital ; qu’ils trouveraient le fruit de ces épargnes dans les jours mauvais, où la maladie les retient au lit, où les commandes de travail sont suspendues, où le renchérissement du pain, de la viande et du vin pèse sur eux, où les fabriques se ferment tout à coup, par l’effet soit de la guerre, soit de la concurrence intérieure ou étrangère, qui est une autre espèce de guerre, soit de la ruine inopinée des fabricans (négocians). Les campagnards qui avoisinent les villes, et qui y viennent plusieurs fois par semaine, par mois pour leurs affaires, leur commerce ou la vente de leurs denrées, pourraient alimenter aussi une caisse d’épargne. Craintifs et soupçonneux, ils ne veulent pas qu’on les sache riches ; ils enfouissent leur argent à longues dates, sous un arbre de leur jardin, dans un caveau bien noir, dans des pots de grès ou dans des sabots, dans leurs paillasses. Souvent un capital, qui [4.1]se doublerait en quinze ans, y dort improductif pendant ce temps-là. C’est donc une perte pour la société et pour eux ; c’est autant d’argent enlevé à la circulation, à l’industrie, à l’agriculture. Placé à la caisse d’épargne, leur argent serait davantage à l’abri des voleurs ; et il s’augmenterait par l’intérêt composé. Quelquefois l’enfouisseur perd la mémoire, ce qui est fréquent dans l’homme âgé de la campagne, ou il meurt tout à coup, et l’argent caché est perdu pour ses héritiers et pour tout le monde. Les domestiques placent mal leurs économies, le plus souvent chez les petits banquiers ou chez des usuriers obscurs, à gros intérêt ; c’est-à-dire, à gros risques. Ils se défient de leurs maîtres les plus bienveillans et les plus éclairés, et ne les consultent jamais. Aussi n’est-il pas rare de voir des domestiques, hommes et femmes, réduits à la mendicité au bout d’une carrière laborieuse, par la banqueroute subite et complète de leurs fonds. Une caisse d’épargne leur offre un placement sûr ; et, comme on y reçoit les plus petits capitaux à mesure qu’ils se forment ; la différence qui résulte de l’intérêt moindre de la caisse avec l’intérêt plus élevé de l’usurier est, en fin de compte, amplement compensé. C’est ce que les domestiques ont parfaitement senti. Aussi, dans toutes les villes où s’établissent des caisses d’épargne, les domestiques de toutes conditions y accourent les premiers. Les femmes vont moins au bureau de loterie, et les hommes moins au cabaret. La discipline, la fidélité, la paix, l’économie entrent dans les ménages avec la caisse d’épargne. Les propriétaires aisés savent les moyens d’utiliser leurs capitaux, qui d’ailleurs seraient trop considérables pour entrer dans une caisse d’épargne, et les commerçans, gros et petits, emploient immédiatement leurs gains en marchandises. Ces gains fructifient par la spéculation, par l’échange et par la conversion perpétuelle des espèces en travaux ou denrées, et des travaux ou denrées en espèces. Mais si la caisse d’épargne n’est pas nécessaire aux propriétaires et aux marchans et négocians, ils feront bien dans les commencemens d’un pareil établissement, d’y apporter aussi leur contingent, pour encourager, par leur exemple, les ouvriers et les domestiques. On se méfie encore du gouvernement, qui a tant de fois détourné les fonds des caisses spéciales pour les appliquer à ses besoins ; et dans les départemens, il y a encore beaucoup de gens qui s’imaginent qu’une fois entré dans les caisses du gouvernement, leur argent n’en sortirait plus. C’est ce préjugé qu’il faut combattre. L’argent des caisses d’épargne est l’argent du pauvre ; il est le plus sacré de tous les dépôts, et il n’y a pas de gouvernement, quelque tyrannique et quelque voleur qu’il fût, qui osât mettre la main sur une chose si respectable et si sacrée. Mille raisons nous échappent qui peuvent déterminer à fonder une caisse d’épargne. Mais en voici encore quelques-unes : Les lois ont vainement tenté de combattre les penchans aux loteries publiques ou clandestines, les entraînemens de la débauche et la fureur du jeu ; et les législateurs, dans l’impuissance du remède, ont déclaré que la loterie, la débauche et le jeu étaient une espèce de cautère dont l’écoulement favorisait la santé du corps social. Mais les caisses d’épargne sont des écoles de moralité où le travail fondé sur l’intérêt personnel, maîtrise les vices et les mauvaises passions des hommes. Le père de famille peut, dans la prévoyance de la conscription, et long-temps à l’avance, économiser quelques deniers pour les mettre à la bourse commune et garder un fils dont le travail soulagera ces infirmités et sa vieillesse. La mère de famille peut préparer, par ses économies lentement amassées, un trousseau pour sa fille ou se mettre en état de payer l’apprentissage de son fils. Un ménage d’ouvriers laborieux peut économiser la petite pension suffisante pour être reçu dans une maison de vieillards et y finir tranquillement ses jours [4.2]à l’abri du besoin et de l’hôpital. Un bienfaiteur ne saurait exercer son bon vouloir avec une générosité plus ingénieuses qu’en plaçant de l’argent dans une caisse d’épargne au nom d’un pupille, d’un filleul, d’un artiste, d’un jeune ouvrier, d’une pauvre mère de famille. Enfin, il n’est sorte de combinaisons, de repos et de bien-être à venir que chacun ne puisse arranger, selon sa position et son métier, avec les profits accumulés d’une caisse d’épargne pendant une longue suite d’années. Cette certitude d’une médiocrité douce guérit du mal de la préoccupation, qui est le mal le plus poignant du pauvre, ou du mal d’une insouciance désespérée, qui est pire encore. Une caisse d’épargne est une institution essentiellement anti-révolutionnaire, puisqu’elle associe le prolétaire, par ses propres œuvres et sans spoliation ni bouleversement, au partage et aux jouissances de la propriété immobilière. Une caisse d’épargne prévient l’envahissement du paupérisme, cette plaie des sociétés industrielles, puisqu’elle met le pauvre de l’avenir, maladif et infirme, à la charge seule du pauvre bien portant et laborieux. Une caisse d’épargne permet à l’ouvrier de devenir maître un jour, en achetant, avec ses petits capitaux amassés, un fond de boutique achalandé, ou de faire les frais et achats, d’un premier établissement, ou de consacrer plus tard, s’il est actif, ingénieux, entreprenant, à quelque entreprise plus fructueuse que le gain rétréci d’une manualité journalière des capitaux qui, éparpillés, ne suffiraient pas à cela. « Voici, dit le savant Francœur1, la carrière qu’on peut ouvrir à un simple journalier : deux francs mis en réserve chaque mois (à peu près un sou par jour), capitalisés avec l’intérêt durant quarante ans, lui laissent un petit patrimoine de 3,000 fr. fruit de ses sueurs, sans un sacrifice sensible. » Les caisses d’épargne existent déjà dans presque toutes les cités riches et populeuses ; mais c’est dans les communes de grandeur moyenne, dans les villes d’arrondissement moitié urbaines, moitié rurales, qu’il faudrait en quelque sorte, les naturaliser. Il y a dans la société actuelle un mouvement d’avant vers les institutions de liberté, de civilisation et de philanthropie, que la presse surtout doit favoriser et soutenir ; et c’est pour cela que nous nous servons de ce moyen de publication si puissant et si universel. cormenin2.
i. Le nom de l’auteur de cet article, M. cormenin, nous a engagé à le reproduire quoique nous persistions dans les réflexions que nous avons faites sur ce sujet ( v. N° 3, 1834, Coup d’œil sur la société) . Nous sommes loin, cependant, de nier l’utilité des caisses d’épargne. Elles ne sauraient trop se multiplier ; car elles sont une des plus heureuses conceptions de la philanthropie moderne. Seules, elles ne peuvent améliorer sensiblement le sort de la classe ouvrière qui, le plus souvent, n’a pas le nécessaire, et partant, rien à épargner ; mais elles sont un moyen, pour quelques-uns, d’arriver à une condition meilleure, et sous ce rapport, elles méritent l’encouragement des bons citoyens et la sollicitude du gouvernement. Le Moniteur du 15 janvier dernier a publié une statistique des Caisses d’épargne établies en France, que nous croyons utile de reproduire. Il en résulte qu’au 14 janvier 1835 septante-neuf caisses d’épargne étaient en activité. Sur ce nombre, quarante-sept ont été fondées par des sociétés anonymes, 27 par des conseils municipaux, 3 par les monts-de-piété. 52 étaient en instance pour obtenir l’autorisation. Voici l’état par ordre de fondation des 79 caisses d’épargne existantes. 1818. Paris. 1819. Bordeaux, Metz. 1820. Rouen. 1821. Marseille, Nantes, Troyes et Brest. 1822. Lyon, Le Havre. 1823. Reims. 1824. Besançon. (Elle n’a été établie définitivement qu’en 1834.) 1828. Nîmes. 1830. Rennes et Toulouse. 1832. Orléans, Avignon, Mulhouse, Toulon. 1833. Versailles, Tours, Lunéville, Amiens, St-Etienne, Douai, Dunkerque, Saint-Dié, Châtillon-sur-Seine. 1834. Clermont-Ferrand, Nevers , Epinal, Neufchâteau, Mâcon, Sedan, Lille, Le Mans, Bayonne, Lorient, Angoulême, Montargis, Mirecourt, Arras, Nancy, Chartres, Saint-Quentin, St-Brieuc, St-Jean-d’Angély, Boulogne-sur-Mer, Strasbourg, Bar-sur-Aube, Grenoble, Charleville, Laval, Louviers, Bar-le-Duc, Besançon, Bourges, Béthune, Gien, Melle, Cognac, St-Omer, Dijon, Agen, Pau, Cherbourg, Saumur, Angers, Verdun, Calais, Nantua, Charolles, Carcassonne, Evreux, Bourg, Sens. Le Puy, Montauban, Autun, Cambrai.
Le mot de notre dernier logogriphe est Clémentines, nom qu’on a donné à un recueil de décrétâtes du Saint Siège, et dans lequel on trouve les mots suivans : Clémentine, île, estime, lit, menin, menil, Lesine, mine, ciel, lie, mi, si, cil, lime, miel, cité, sicle, insecte, ennemi, lis, scie, Nil, mil, silence.
CANCANS1. Nous avons remarqué dans les dernières listes pour l’élection des prud’hommes (section de soieries, n° 962) un nommé Jean fulchiron. Serait-ce par hasard un parent au banquier parisien. On nous assure que ce dernier est aussi un Jean. Un négociant de cette ville nous adresse un projet d’amélioration industrielle pour faire suite à celui inséré dans un journal de cette ville. Ce projet a pour but l’établissement d’une boutique de M. de Marrous.
(29-2) Costumes de bal, dominos, etc., à des prix modérés, chez Mme Balleffin, marchande de nouveautés, cols, sacs, etc., rue St-Côme, n° 4, à l’entresol.
Notes (INSTRUCTIONS)
Notes (SUR LES CAISSES D’ÉPARGNES. Il y a trois...)
Référence ici au mathématicien français Louis-Benjamin Francoeur (1773-1849), philanthrope, partisan de l’instruction populaire et auteur en 1818 d’un Rapport relatif à la Caisse d'épargne, fait au conseil de la Société d'enseignement élémentaire. Il s’agit ici de Louis-Marie Delahaye, comte de Cormenin (1788-1868), publiciste et incisif député de l’opposition. Philanthrope libéral, il menait un combat en faveur des caisses d’épargnes qui, sous peu, en juin 1835, allaient être reconnues d’utilité publique. En 1833, il avait fait paraître, dans la série de publications du Populaire (l’organe de Cabet), Les Caisses d'épargnes, utilité de ces banques populaires et nécessité d'en fonder de nouvelles à Paris et dans les départements dans l'intérêt du prolétaire.
Notes (CANCANS. Nous avons remarqué dans les...)
Ce cancan alpague Jean-Claude Fulchiron, député conservateur de Lyon, réélu en juin 1834.
|
|
|
|
|
|