Retour à l'accueil
3 juin 1832 - Numéro 32
 
 

 



 
 
    
CHARLES BERNA.1

Nous ne rechercherons pas, avec le savant Courrier de Lyon, l?âge, le pays, les titres de Charles Berna, et s?il a ou non été l?un des premiers actionnaires de ce spirituel journal : nos lecteurs se soucient peu de ces choses ; mais ce que nous leur dirons, c?est le bien que Charles Berna faisait sans bruit, sans ostentation, sans arrière-pensée ; ce bien si rare, si doux, que le pauvre apprécie tant !

Dans les temps mauvais où la liberté se couvrait d?un crêpe, et où ses partisans les plus fanfarons serraient leur bourse et se tenaient à l?écart, Charles Berna soutint seul, tout seul, l?école-modèle d?enseignement mutuel ; il comprenait [2.2]que ce germe se développerait un jour et serait utile au peuple, aux pauvres, aux ouvriers, qu?il aimait comme ses enfans ; il voyait juste et eut bientôt le bonheur de voir ses sacrifices (on les porte à 60,000 francs) couronnés d?un brillant succès ; dix écoles d?enseignement mutuel qui, avant la fin de l?année, seront sans doute entièrement gratuites, sont les résultats actuels de sa noble et généreuse persévérance.

Mais Charles Berna n?était pas seulement un philantrope, il était un négociant, un industriel distingué, un de ces hommes rares qui voient loin et juste, et qui, lorsqu?ils ont conçu une grande idée, la soutiennent, la développent et la mènent à fin coûte qui coûte ; c?est ainsi qu?il a enrichi la fabrique de Lyon des articles Thibet et châlis, qui sont encore loin d?avoir acquis le développement et l?extension dont ils sont susceptibles. Sa Sauvagère est encore une preuve de sa persévérance éclairée. C?est là qu?il faut aller entendre l?éloge de Charles Berna. Pendant les journées d?agonie qui précédèrent sa fin, tout était sombre et morne dans sa grande famille d?ouvriers ; mais lorsque sa mort fut connue, il s?éleva comme un concert de larmes et de sanglots ! C?était triste et beau en même temps de voir ces hommes, ces femmes qui s?embrassaient en pleurant, et qui, pour soulager leur douleur, se disaient les traits de bonté, de générosité de Charles Berna.

Oh ! que les hommes légers qui accusent le pauvre d?ingratitude et d?insensibilité, comparent sa douleur, sa tenue au convoi funèbre de Charles Berna, à la tenue des amis, des pairs, du riche le plus estimé, et qu?ils jugent !?

Tous, riches et pauvres, doivent comprendre que l?homme que l?ouvrier pleure n?est pas un homme ordinaire. Charles Berna laisse un vide difficile à remplir, car il était un homme, et les hommes sont rares même à Lyon.

Notes (CHARLES BERNA.)
1 L?auteur de ce texte est Antoine Vidal d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique