L'Echo de la Fabrique : 3 juin 1832 - Numéro 32

Une dévideuse1, nommée Sylve, se présenta dans notre bureau, il y a quelque temps, pour nous faire régler son livre de magasin. Elle prétendait que, chez MM. Rivière et Ce pour qui elle travaillait, on lui avait porté à son compte d’argent une somme qu’elle n’avait pas reçue, afin de lui faire perdre 280 fr. Nous examinâmes attentivement le livre, et peut-être notre conviction était-elle en faveur de la réclamante ; mais cette affaire étant très-sérieuse, nous jugeâmes convenable de garder le silence, puisque ce n’était qu’une prévention. Le conseil des prud’hommes, devant qui l’affaire avait été portée, garda la même réserve, se déclara incompétent, après avoir toutefois examiné minutieusement les livres, et renvoya la cause devant qui de droit, c’est à dire devant le procureur du Roi. Cette affaire n’a pas eu de suite. Nous reçûmes, mercredi 30 mai, une déclaration écrite et signée où l’on s’engage de prouver, pardevant qui de droit, que l’affaire s’est terminée par le ministère d’arbitres, et que la Dlle Sylve a reçu la somme de 280 fr. qu’elle réclamait. [4.1]Ainsi donc la somme était due ! ainsi il y avait eu mauvaise foi de la part de l’employé ! pour ne pas nous servir d’une autre expression.

Nous sommes loin d’accuser la maison de commerce de MM. Rivière et Ce d’un pareil méfait. Mais nous ne saurions trop engager MM. les chefs de commerce à surveiller les jeunes gens qu’ils emploient. Un mauvais employé peut perdre la réputation d’un bon fabricant, et la justice peut ne pas être toujours indulgente.

Nous ne saurions terminer sans faire une réflexion pénible. Si un ouvrier avait la faiblesse de soustraire une partie de soie à un fabricant de la valeur de 280 fr., il serait arrêté sous les vingt-quatre heures et mis à la disposition des tribunaux. Nous ne demandons point de punition, mais qu’au moins ceci donne une leçon sévère à ceux qui peuvent ainsi abuser de leur position.

Notes de base de page numériques:

1 L’auteur de ce texte est Joachim Falconnet d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

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