L'Echo de la Fabrique : 10 juin 1832 - Numéro 33

ÉVÉNEMENS DE PARIS.1

[8.1]D’affreux malheurs ont affligé la capitale, et pendant trois jours la guerre civile en a fait un horrible champ de bataille.

L’ordre est rétabli et règne de nouveau dans Paris ; mais hélas ! à quel prix !

La loi nous interdit toute dissertation politique, et nous ne pouvons donc développer, dans cette feuille, notre opinion sur ce que ce mélancolique événement offre de politique ; mais nous pouvons, nous devons même témoigner notre profonde douleur.

Que les partis qui ne se désignent réciproquement que par les épithètes les plus révoltantes, se réjouissent ou se maudissent, nous qui sommes travailleurs, nous pleurons et déplorons ; car le sang une fois versé n’a plus la couleur des partis ! c’est du sang français, d’hommes dévoués et capables de grandes choses. Les lâches, les gens payés ne se battent pas ainsi !

Peuple ! peuple ! toujours du sang, et du plus pur, du plus généreux, du sang de jeunes hommes entraînés vers une chimère, ou poussés par des misérables qui n’ont d’espoir et d’avenir que dans les calamités publiques, et qui dans l’ombre fuient le danger qu’ils ont soulevé.

Que la vengeance humaine et divine tombe sur ces monstres ! mais qu’elle les cherche et les frappe aussi bien dans les hôtels, que dans les mansardes ou l’atelier, aussi bien sous l’habit brodés du pair de France que sous la blouse du prolétaire.

Paris, 7 juin. – La tranquillité est parfaite ; les magasins, les ateliers, les chantiers, les marchés, les galeries, les passages sont ouverts comme à l’ordinaire. Les ouvriers s’occupent avec activité à réparer les rues où des barricades avaient été élevées. La circulation des voitures est rétablie. Paris offre l’aspect le plus satisfaisant.
(Nouvelliste.)

Notes de base de page numériques:

1 Les funérailles du général Lamarque furent l’occasion d’une grande insurrection à Paris les 5 et 6 juin 1832. Le marasme économique, l’épidémie de choléra, la mort de Casimir Périer faisaient entrevoir, en particulier aux républicains, la possibilité de bousculer le fragile régime orléaniste. Mais devant le soulèvement populaire les différentes fractions républicaines demeurèrent indécises et inertes et l’insurrection se solda par une défaite complète, le régime de Juillet en sortant victorieux et définitivement renforcé. Le caractère de « tournant » qu’a eu cet épisode de juin 1832 dans l’histoire du régime de Juillet est parfaitement défini par exemple par P. Thureau-Dangin : « En cette soirée du 6 juin, les amis de la Monarchie jouissaient d’autant plus de leur victoire qu’ils en avaient douté. […] tous les témoignages contemporains révèlent qu’on eu grand’-peur ; l’impression générale fut que la Monarchie courait un réel danger », P. Thureau-Dangin, Histoire de la Monarchie de Juillet, tome 2, Paris, Plon, 1888, p. 135.

 

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