L'Echo de la Fabrique : 17 juin 1832 - Numéro 34

Dans notre dernier article, nous engagions MM. les fabricans à se réunir et se concerter pour adopter la mesure la plus propre à éclairer le gouvernement sur les dangers et les besoins de notre industrie-mère.

On nous avait bien dit que nous parlerions dans le désert, qu?on ne lirait pas notre mauvais journal, et que, fût-il lu, ce serait avec les préventions de position ou de souvenirs.

On nous disait surtout que lors même que ces MM. seraient bien convaincus du besoin de se voir et de s?entendre, ils ne le pourraient jamais.

A quoi nous répondions que les ayant vus se réunir sérieusement et en grand nombre pour discuter sur les boutons et les épaulettes, sur les pompons et les aigrettes, sur la corde à fourrage en laine ou en argent, etc. etc. nous étions convaincus qu?ils sauraient aussi bien se réunir pour discuter sur une question d?intérêt grave et direct pour eux et leurs ouvriers.

Nous commençons à croire que nous avions mal jugé les hommes ou les choses, peut-être les uns et les autres. Néanmoins, nous comprenons tellement la gravité de la position de nos fabriques et l?importance des relations entre la France et l?Angleterre, que nous supplions encore le petit nombre de fabricans qui prennent la peine de nous lire, de réfléchir à la proposition avancée et, s?ils en sentent l?opportunité aussi vivement que nous, de prendre l?initiative et de provoquer une réunion pour discuter et signer une pétition au Roi ou aux chambres.

On comprendra combien il serait convenable que les chefs de commerce, et non les ouvriers, donnassent ici la direction et l?impulsion. Cependant nous savons que MM. les chefs d?ateliers, qui ont la tête plus libre de théories et de passions politiques, et par conséquent plus ouverte aux questions positives, sont disposés à se [2.2]réunir. Ils comprennent que leur position les oblige à saisir avec empressement tous les moyens de conserver ou d?augmenter le travail qui les fait vivre eux et leurs ouvriers. MM. les fabricans ne comprendront-ils pas aussi qu?ils ont les mêmes devoirs, et qu?ils sont aux chefs d?ateliers ce que ceux-ci sont aux ouvriers.

Nous avons demandé et obtenu un gouvernement représentatif et quasi-républicain, et cependant lorsqu?il s?agit de s?occuper sérieusement de la chose publique, ailleurs qu?au café ou au théâtre, nous restons chez nous, prétextant des affaires qui jamais pourtant ne sont assez graves pour nous tenir éloignés du café. Voyez nos élections de toute espèce. Voyez nos institutions philantropiques. Voyez toutes les assemblées, excepté celles d?agrément !

En vérité, nous sommes des enfans ! Nous voudrions récolter sans labourer ni semer.

Nous nous fâchons de n?avoir en tout que des quasi-choses, et nous ne sommes vraiment que des quasi-citoyens.

 

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