L'Echo de la Fabrique : 6 novembre 1831 - Numéro 2

AU REDACTEUR

Lyon, le 4 octobre 1831,

Monsieur,

Veuillez, je vous prie, insérer dans votre plus prochain numéro, l'adresse suivante aux négocians en soierie de la ville de Lyon :

Messieurs,

Par la conduite de la majorité des chefs de commerce, leurs plans se déroulent et se dessinent ; et malgré leurs rassemblemens divers, leurs réunions secrètes, on soulève aisément le voile dont ils prétendent couvrir leur cupidité, et leur despotisme qu'on ne saurait qualifier.

Que signifie, en effet, une commission de négocians nommée aujourd'hui, dont les actes sont par elle désapprouvés et niés le lendemain ? c'est ressembler à un malade en délire, présentant cinq minutes des symptômes rassurans, et cinq minutes après les signes d'une mort imminente.

Au moment où le commerce déjà se réveille d'un trop long sommeil, au moment où un traité d'une paix générale rouvre les débouchés nécessaires à nos grandes exploitations, est-ce donc par l'astuce, la mauvaise foi, que cette portion de négocians entend servir la cité qui a commencé, nourri et terminé sa fortune ? Est-ce ainsi qu'ils respectent l'autorité de nos magistrats, qu'ils regardent sans doute comme n'étant pas les leurs toutes les fois qu'ils descendent jusqu'à l'opprimé, et lui rendent une partie de la justice qui lui est due ?

Non contens de nous avoir affaiblis, exténués, courbés jusqu'à terre, ils voudraient nous maintenir dans cet état de servilisme honteux, s'ils n'avaient encore besoin de nos labeurs pour grossir des trésors que les fraudes de tous genres ont seules légitimés. Et c'est là une réunion de la grande famille, réunion si préconisée par ceux qui ne veulent rien moins que la diviser pour la détruire !

Qu'ils se désabusent, ces messieurs ; qu'ils sachent que la prospérité de notre commerce et de notre ville ne dépend plus d'eux seuls ; qu'ils sachent que le soleil de juillet a paru pour tous ; que tous ont ressenti déjà les effets de ses rayons bienfaiteurs, et qu'éclairées aujourd'hui, les masses conservent pour elles la raison, le respect pour les magistrats, et le mépris le plus odieux pour leurs vils oppresseurs dont les actes de la veille sont, contre toute franchise et toute loyauté, impitoyablement désavoués le lendemain.

Non, messieurs, ces masses inoffensives ne deviendront pas les complices des désordres que vous provoquez ; elles se respecteront trop elles-mêmes pour souiller la justice de leur cause par les horreurs dont vous voudriez vous souiller vous-mêmes ; les fauteurs de troubles ne seront pas écoutés.

Un avenir plus heureux nous sourit ; une majorité nouvelle de nouveaux négocians assure notre triomphe sur vos menées criminelles ; bientôt vous serez forcés de faire place à d'autres moins égoïstes et plus francs que vous, et poursuivis de la malédiction générale, vous emporterez loin de ceux que vous avez réduits au désespoir, votre honte et leur mépris !!!
M.-S.
Un de vos  abonnés.

 

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