L'Echo de la Fabrique : 8 juillet 1832 - Numéro 37

ÉCONOMIE SOCIALE.1

[2.1]de l’impôt des patentes. (Voyez N° 29, 13 mai.)

La patente est à l’industrie ce que la contribution foncière est à la propriété, C’est une contribution directe qui est juste en principe et dans son résultat ; car elle ouvre la porte du collège électoral à celui qu’elle grève. Mais combien dans son application cette loi est-elle injuste ; ce n’est pas de ce qu’elle frappe le moindre boutiquier que je me plaindrai, loin de là : toute industrie doit y être soumise, on ne saurait trop augmenter le nombre des citoyens : je me plaindrai de ce qu’elle frappe inégalement tel ou tel individu exerçant une profession identique, je me plaindrai qu’elle soit sujette, sous aucun motif, à la hausse et à la baisse. J’ai vu le même industriel payer 20 ou 30 fr. de plus une année qu’une autre, sans que pour cela son industrie ait changé. Cette partie de nos contributions a besoin d’être révisée et établie sur une échelle large. Il faut que le peuple voie enfin clair dans ses affaires et voie par lui-même : il faut que chacun connaisse, en choisissant un négoce, à quelle patente il se trouve soumis, et que cette patente soit invariable, la plus forte excluant toujours la plus faible.

Je profiterai de cette occasion pour signaler quelques abus. Les huissiers sont assujettis à la patente ; c’est une injustice, car ils sont fonctionnaires, Dira-t-on qu’indépendamment de cette qualité ils exercent une industrie : je conçois ce que cet amalgame a de fâcheux, aussi je crois qu’il conviendrait que le gouvernement payât directement les huissiers, soit pour acter, soit pour tenir les audiences, et fit percevoir par le receveur de l’enregistrement la totalité des droits qui leur sont alloués. Les huissiers exécuteraient les divers actes de leur ministère sur la réquisition du président du tribunal civil, de même que la gendarmerie remplit ses fonctions sur la réquisition du procureur du roii. Par là, ils seraient rendus à leur indépendance, et se renfermeraient dans le cercle de leurs fonctions qui sont des plus importantes dans l’ordre judiciaire.

Par contre, les avoués qui, loin d’être fonctionnaires, ne sont que de simples mandataires, des agens d’affaires litigieuses, sont affranchis de la patente, et c’est là une anomalie choquante et contre laquelle le bon sens proteste.

Les notaires ne payent point de patente ; c’est juste, car ils sont fonctionnaires ; mais ils devraient se renfermer strictement dans l’exercice de leurs fonctions, et ceux qui ne le feraient pas, si on ne peut l’empêcher, devraient être assujettis à une patente en qualité d’agens d’affaires. Le public en s’adressant à un notaire agent d’affaires saurait à quoi il s’expose. Il serait à propos que nos législateurs jetassent un coup d’œil sur cet abus que font les notaires en cumulant leurs fonctions publiques avec une industrie, qui nécessairement a ses chances et dans tous les cas a le grave inconvénient de faire descendre le notaire de la magistrature qu’il exerce.

Les médecins payent une patente. D’après mon opinion ils sont sur la même ligne que les avocats, les hommes de lettres et les artistesii. Ceux-ci en sont exempts ; comme [2.2]eux, les médecins devraient l’être. Les arts libéraux doivent être considérés sous un point de vue plus élevé, et comme le sacerdoce du nouvel ordre social auquel nous tendons tous, peut-être à notre insçu.

Marius Ch.....g.

Notes de base de page numériques:

1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes de fin littérales:

i Cela vaudrait mieux que toutes les bourses communes et les associations que le corps des huissiers a inventèes. Les premières ont le désavantage de faire vivre les hommes paresseux et ignares sur le fruit du travail de leurs collègues actifs et intelligens ; elles sont pour eux ce que serait une loi agraire pour la société : les secondes n’ont qu’un défaut, c’est que la morale et les lois les réprouvent.
ii Voyez l’Echo de la Fabrique, N° 34, De l’égalité sociale, 3me art.

 

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