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8 juillet 1832 - Numéro 37
 
 

 



 
 
    
SUR LE CHOLÉRAi.1

Alerte ! alerte !

Ce monstre hideux et vorace qu’on appelle choléra se rapproche de nous dans sa marche inconnue et vagabonde. Satellite de la barbarie auxiliaire du Russe féroce et immonde, il vient décimer nos populations libérales pour les abandonner énervées au sabre du pandour, à la lance cosaque. Il aime le cours des fleuves, les grandes réunions d’hommes. Un jour prochain il abattra son vol sur notre populeuse cité. Une ample moisson lui est promise. Toutes les prévisions humaines ne sauraient empêcher l’invasion de cet ange de la mort.

Invisible ennemi qu’on ne voit ni ne touche,
Qui vient flétrir vos yeux et crisper votre bouche,
Qui vous jette en une heure au sable des tombeaux,
Qui, sur l’aile des vents, tout-à-coup vous arrive
Plus vite que le flot qu’on voit battre la rive
De la blanche écume des flots.
J. Bard. Le choléra-morbus, improv. lyr.2

Alerte ! alerte ! citoyens, garde à vous ! l’ennemi s’approche. Ce ne sont pas vos souscriptions fastueuses [6.2]qui le conjureront. Hommes riches, qui dans ces jours de détresse croyez être quittes envers vos compatriotes par le don de quelques écus, don qui n’effleure même pas votre luxe, il faut opposer à cet ennemi une barrière plus forte et journalière. L’amélioration physique de la classe pauvre, c’est là le cri de la société ! il faudra bien qu’on l’entende. A l’ouvrage donc, citoyens de toutes classes : formez des associationsii pour vous secourir lors de la terrible invasion. Et vous, magistrats, soyez à la hauteur de votre mandat, visitez ces maisons qu’habite une population immense d’ouvriers, assainissez-les, et que tout ce qui ne pourra pas l’être tombe impitoyablement sous le marteau ; élargissez ces rues fétides ; supprimez ces cloaques habités par la misère : que l’incurie ou l’avarice sordide d’un propriétaire ne soit plus un obstacle ; marchez au nom de la loi, au nom du salut commun.

Salus populi suprema lex esto !   

Informez-vous aussi des moyens d’existence de ce peuple confié à vos soins. Est-il vêtu et nourri comme un homme doit l’être en travaillant ? A-t-il du travail, un salaire suffisant ? Ah ! croyez-moi, ce n’est pas par goût que le prolétaire est couvert de haillons ; ce n’est par goût qu’il se nourrit d’alimens malsains et indigestes. Le choléra approche, donnez à la population ouvrière de quoi faire face et combattre avantageusement le fléau dévastateur dont elle est la première victime.

Le fameux Barrère3 disait que pour connaître un vrai patriote il fallait attendre sa réponse à cette question : Au cas de contre-révolution qu’as-tu fait pour être pendu ? Eh bien ! Magistrats, il faut qu’à la sortie de ses fonctions chacun de vous redevenu simple citoyen puisse répondre sans rougir à cette question : Qu’as-tu fait pour le peuple ?

Marius Ch....g.

Notes (SUR LE CHOLÉRA.)
1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Joseph Bard (1803-1861), Le choléra morbus, improvisation lyrique, Paris, A. Levavasseur, avril 1832.
3 Référence ici à Bertrand Barrère de Vieuzac (1755-1841), révolutionnaire français, membre redouté de la Convention et du Comité du Salut Public.

 

 

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