L'Echo de la Fabrique : 22 juillet 1832 - Numéro 39

l?impôt progressif.1

L?assiette de l?impôt est vicieuse. Le pauvre paie proportionnellement plus que le riche, chacun le comprend et le dit ; chacun sent qu?il faut changer de route, et cependant tous crient haro lorsqu?on parle d?innovation.

C?est qu?en matière de finances les expériences et les erreurs coûtent cher et sont souvent dangereuses.

Mais s?il y a danger à innover, il y a péril flagrant à maintenir les injustices, surtout lorsqu?elles pèsent sur la majorité.

En mangeant, on peut mourir d?une indigestion, c?est une chance ; mais en ne mangeant pas, de peur d?indigestion, on a la certitude de mourir de faim.

Il faut donc manger.

L?édifice menace ruine, il va crouler : en en sortant et avancant, nous serons peut-être atteints de quelque pierre ; mais en stationnant, nous sommes certains d?être écrasés sous les décombres.

Il faut donc avancer.

Quel homme oserait dire que les charges sont bien réparties ?

Que la charte est une vérité ?

Que l?impôt indirect qui écrase le pauvre, et touche à peine le riche, n?est pas une criante injustice ?

Enfin qui pourrait de bonne foi soutenir que la justice, et non l?intérêt des législateurs-propriétaires, ait jamais présidé à la répartition des charges ?

Le malaise qui tourmente partout les masses et qui partout se manifeste par des émeutes ou une irritation menacante ; ce malaise si effrayant, vainement voudrait-on l?attribuer aux caprices ou bien aux partis républicain, carliste, bonapartiste : sa cause permanente est dans l?injuste répartition des charges, et surtout dans la mauvaise application de leur produit

La révolution de 1830, dans laquelle on n?a voulu voir qu?un caprice ou un retour à la charte, n?ayant pas reconnu ni attaqué la cause, n?a pu arrêter les effets.

Il est temps que les hommes qui gouvernent et légifèrent se réveillent et ouvrent les yeux avec l?intention de voir ; il est temps qu?on cherche le mal où il est, et non dans de sottes et puériles chimères.

L?économie politique de l?école St-Simonienne a mis le doigt dans la plaie, et les hommes avancés, les plus opposés à l?ensemble des doctrines de l?école, adoptent franchement son économie politique. L?impôt progressif, l?abolition de l?amortissement, qui n?amortit rien puisqu?on emprunte toujours, et surtout le dégrèvement des impôts indirects, sont quelques-uns des traits saillans qui la distinguent.

M. Terme a proposé au conseil municipal, qui se [3.2]trouve dans la dure nécessité de crier encore à de nouveaux impôts, d?entrer dans la voie nouvelle de l?impôt progressif : M. Gros a répondu à M. Terme, dont il improuve la proposition : Nous avions promis d?examiner les deux opinions. Mais ayant appris que M. Terme prépare une réponse aux argumens de M. Gros, nous croyons devoir suspendre notre jugement.

Dans ce que nous avons lu ou entendu de ce débat et sur ce débat, nous n?avons rien trouvé qui prouvât que d?un côté ou de l?autre, on eût compris l?urgence, la force majeure, qui oblige, sous peine d?un terrible naufrage, à quitter le vieux vaisseau qui fait eau de toute part, dont les voiles sont déchirées, la boussole brisée, l?équipage et les chefs écrasés de doute, de méfiance et de désespoir.

Z.

Notes de base de page numériques:

1 L?auteur de ce texte est François Barthélémy Arlès-Dufour d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

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