L'Echo de la Fabrique : 5 août 1832 - Numéro 41

L?Européen1, journal des sciences morales et économiques2, s?occupe avec zèle et conscience de l?amélioration du sort des prolétaires ; nous croyons devoir extraire l?article suivant (t. I, n° 22, p. 351).

Colonie de mendians. Tout ce qui diminue la souffrance et la misère est de notre ressort, et c?est avec plaisir que nous rendons compte des colonies fondées en Hollande et en Belgique pour les mendians valides.

Des propriétaires, poussés moins par le dévouement que par le désir de trouver un placement avantageux de leurs capitaux, ont obtenu du gouvernement hollandais des terrains incultes à Frédériks-Oord. Ils y ont créé des fermes, des magasins, des ateliers de filature et de tissage, des écoles, des infirmeries, de vastes bâtimens [6.1]où environ dix mille mendians des deux sexes, jadis oisifs, ont été transformés en salariés.

Ces mendians sont divisés en trois classes, dont la première gagne soixante centimes, la seconde cinquante et la troisième quarante. Ce léger salaire suffit à leur entretien. La fertilité des terrains défrichés surpasse celle des communes environnantes.

Une société, dite de bienfaisance, déjà composée de treize mille souscripteurs, a formé un établissement semblable à Wortel, dans les landes de la province d?Anvers. Les travaux de culture sont en pleine activité et on y récolte du seigle et des pommes de terre de qualité supérieure,

Ces exemples doivent convaincre les propriétaires qu?ils ne sauraient hésiter à confier des instrumens de travail à des mains actives et industrieuses ; qu?ils peuvent faire leur bonheur en faisant celui du peuple ; qu?il est dans l?intérêt de leur égoïsme d?aider la tendance des masses, au lieu de se raidir contre elles inutilement. S?ils refusent la gloire de contribuer au bien-être de leurs semblables, le progrès ne s?en fera pas moins, soit par voie rationnelle, soit par violence, et ceux qui se seront mis en travers du char seront broyés sous la roue.

Le parti qu?on a tiré des terrains incultes, montre de quels avantages serait le défrichement de nos landes ; il y a en France quatre mille soixante-dix hectares carrés de terres vagues.

Plusieurs compagnies se sont formées ; mais la non-intervention de l?action gouvernementale a rendu leurs tentatives infructueuses. Nous indiquerons dans la suite de notre journal les moyens de donner au sol la plus grande puissance de production possible, et d?établir l?égalité entre les cultivateurs.

Nota. Cet excellent journal dont nous reparlerons, paraît tout les samedis, 16 pages in-4. On s?abonne à Paris, rue Chabannais, n° 8, 10 fr. par trimestre.

Notes de base de page numériques:

1 L?auteur de ce texte est Marius Chastaing d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Il s?agit de L?Européen. Journal des sciences morales et économiques fondé en décembre 1831. La première série paraîtra jusqu?en octobre 1832. C?était le journal de Philippe Buchez (1796-1865) qui, éloigné désormais des saint-simoniens dont il critiquait le panthéisme, développait un néo-catholicisme cherchant à marier l?enseignement de l?Eglise avec les nouvelles idées démocratiques et associationnistes. En 1833, il va publier son Introduction à la science de l?histoire ou science du développement de l?humanité. L?Echo de la fabrique reproduira quelques extraits de L?Européen, le félicitant par exemple, à l?automne 1832 pour sa « franchise toute républicaine » dans le traitement des questions économiques et sociales (numéro du 28 octobre 1832).

 

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