L'Echo de la Fabrique : 19 août 1832 - Numéro 43

LYON.1

aux ouvriers sur la libre défense devant le conseil
des prud?hommes.

Concitoyens et amis,

Vous nous avez chargés de demander au conseil des prud?hommes la reconnaissance d?un droit auquel vous attachez une grande importance, celui de se faire assister par un ami ou défenseur quelconque. Ce droit qui nous paraîssait dès-lors certain, est aujourd?hui démontré aux yeux de tout homme de bonne foi. Nous avons produit votre réclamation le 1er juillet dernier dans le n° 36 du journal ; une polémique grave et consciencieuse a été soutenue avec MM. Gamot et D.... Leur retraite annonce que nous avons eu raison sur le terrain de la discussion. Une occasion s?est présentée de demander au conseil lui-même l?application du principe imprescriptible de la libre défense. Nous l?avons saisie avec empressement, loin de reculer devant une lutte pénible contre le président lui-même. Nous avons été secondé par le courage digne d?éloges de M. Tiphaine, en la personne duquel le conseil a violé le droit sacré de la défense. Nos justes plaintes sont sorties de l?étroite enceinte où l?on croyait peut-être les renfermer. L?Echo a eu du retentissement, nos confrères des autres journaux nous sont venus en aide. Le Courrier de Lyon seul s?est abstenu ; en sorte que nous pouvons dire que la presse a été unanime en notre faveur.

[1.2]Un avis sur cette grave question a été demandé à deux avocats, Mes Chanay et Charassin. Ils ont répondu avec empressement à notre désir, et leur consultation a été insérée le 9 août dans le Précurseur et le 12 dans ce journal. Nous signalons à votre reconnaissance ces deux avocats avec d?autant plus de raison qu?ils n?ont voulu accepter aucun honoraire. Nous n?en prenons, ont-ils dit, que dans les affaires d?intérêt privé.

Convaincus de notre droit, nous avons employé les voies de la conciliation, dans la pensée que des magistrats élus devraient être des magistrats populaires. Erreur de notre part. Une visite que l?un de nous, accompagné de deux chefs d?ateliers a rendue à M. le président du conseil a été infructueuse. Sans nous rebuter, nous avons adressé la consultation dont il vient d?être parlé, avec une lettre à ce même président vers lequel nous n?aurions pas cru devoir nous rendre une seconde fois. Cette lettre est restée sans réponse. Nous nous sommes aperçus qu?il existait aussi des volontés immuables ailleurs que chez les potentats.

Tous nos efforts ont été superflus ; c?est en vain que nous avons prouvé combien notre réclamation était juste et fondée ; c?est en vain que de toute part a jailli la lumière. On nous a opposé la force aveugle, le pouvoir discrétionnaire, et pour tout dire en un mot, l?arbitraire. Que répondre à l?arbitraire, et comment s?en défendre ?

D?autres soins, d?autres abus à combattre nous appellent, nous ne nous retirons, quant à présent de la lutte, que jusqu?à un certain point, sauf à rentrer dans l?arène si les circonstances l?exigent ; l?Echo continuera toujours d?enregistrer vos plaintes à ce sujet, et le compte-rendu des audiences fera prompte et bonne justice de tous les actes oppressifs de la liberté de la défense. Là, s?arrête notre pouvoir, vous le savez. Il n?en est pas moins grand, car vous avez dû sentir en cette occurence l?utilité de la presse en général, et en particulier celle d?un journal spécialement consacré à votre défense. Maintenant la question est éclaircie, elle est résolue. Vous avez le droit de vous présenter devant le conseil assisté d?un [2.1]ami ou d?un défenseur. Si on se refuse de l?entendre il y aura déni de justice. Venez alors à nous, nous ne faillirons point à notre mission, à notre titre de défenseur de la classe prolétaire ; d?autres voies vous seront ouvertes, nous saurons vous les indiquer.

Ne perdez cependant pas courage, vos prud?hommes se sont unaniment rangés à notre doctrine, nous en avons et nous vous en donnons l?assurance. Le premier magistrat du département a demandé de s?éclairer sur cette affaire. Justice vous sera rendue. Il y a lieu de l?espérer.

Citoyens, nous avons fait notre devoir : que chacun fasse le sien.

Notes de base de page numériques:

1 L?auteur de ce texte est Marius Chastaing d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

 

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