L'Echo de la Fabrique : 19 août 1832 - Numéro 43

SUR LA MORT DU FILS DE NAPOLÉON.1

Je ne sais toutefois, je ne puis sans douleur
Contempler ce visage éclatant de pâleur ;
On dirait que la vie à la mort s’y mélange.
barthélemy, le Fils de l’Homme, 1829, p. 17.

François Napoléon, né à Paris le 20 mars 1811, de Napoléon-le-Grand et de Marie-Louise, est décédé à Vienne le 22 juillet 1832. Couronné roi de rome en naissant, il fut proclamé Empereur des Français sous le nom de Napoléon II en 1815, après la funeste journée de Waterloo, et la deuxième abdication de son père. La France sous les Bourbons conserva toujours un tendre souvenir au jeune Télémaque, au pèlerin de Parme et de Plaisance ; l’Autriche eut l’idée bizarre de faire du fils de Napoléon un duc de reichstadt2.

Nous ne pouvons dans cette feuille étrangère à la politique, [6.2]aborder les questions graves qui naissent pour l’Europe en général et pour la France en particulier, de ce décès prématuré. Mais nous pouvons donner une larme au fils de l’homme, à l’héritier d’un grand nom, à celui qui né dans la pourpre royale, ceint des lauriers paternels, est mort dans la nullité la plus complète, et auquel il n’a pas été permis de laisser autrement un souvenir dans la mémoire des hommes. Nous empruntons à un journal qui nous paraît rédigé avec esprit et patriotisme les passages suivans sur ce sujet douloureux.

« Pleurons sur lui ; – car les larmes qui tombent sur un cadavre ne peuvent rien avoir d’hostile pour personne. – Il est mort avant le temps – de la mort commune à tous à vingt un ans ; – que n’a-t-il pu au moins mourir sur un champ de bataille, de la mort des braves. Un étendard ennemi devait seul servir de drap mortuaire au fils de Napoléon, – des boulets seuls devaient creuser sa tombe.

Ah ! si jamais la glorieuse colonne reçoit sur son faîte la statue de Napoléon, espérons que la reconnaissance nationale obtiendra qu’on fasse dormir les cendres du fils à l’ombre de cette puissante figure, et que la France libre et heureuse, réunira enfin au tombeau deux êtres que le destin avait si cruellement séparés pendant leur vie.

Paix et respect aux mânes du jeune Napoléon ! le père a fait trop de bien à la France, pour que la France reconnaissante ne donne pas des larmes à son fils. Oui, toutes les haines qui ont poursuivi le père dans le fils doivent s’éteindre au bord de ce tombeau obscur qui vient d’engloutir le dernier chaînon d’une dynastie improvisée par la victoire et le génie, mais à laquelle le ciel a refusé la légitimité du temps : François Napoléon dormira inconnu dans les sombres caveaux du palais autrichien, confondu avec la vulgaire poussière des rois et des ducs. C’est au château de Schœnbrunn, peut-être dans la même salle où Napoléon fit deux fois sa halte de guerre, que son fils a fait sa halte de mort ! ces portes qui s’étaient ouvertes naguères pour un char triomphal vont s’ouvrir de nouveau ; mais cette fois pour laisser passer un cercueil. » (Le Papillon, n° 10. Lyon, 4 août 1832.)

Notes de base de page numériques:

1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing d’après la Table de L’Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Napoléon II (1811-1832), duc de Reichstadt, était le fils unique de Napoléon Ier et de Marie-Louise de Habsbourg. Atteint de tuberculose, il mourut en juillet 1832 en Autriche. Après l’échec du soulèvement républicain de juin puis l’avortement du complot légitimiste, la mort du seul héritier direct de Napoléon constituait aussi un facteur important de stabilisation du régime de Juillet.

 

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