L'Echo de la Fabrique : 26 août 1832 - Numéro 44

L’Industriel, journal du progrès, qui est publié à Verdun (Meuse), justifie les espérances que son prospectus avait fait naître et dont nous avons déjà entretenu nos lecteurs. Nous empruntons au n° 6 de ce journal du 11 août courant, le passage suivant, qui peint avec chaleur et vérité les sentimens que la vue du mendiant fait naître dans l’ame de tout homme honnête et philantrope.

de la mendicité.

La mendicité est le dernier degré de la misère des peuples. Elle dégrade l’homme, elle l’avilit ; elle est, comme on l’a dit, la lèpre morale des sociétés.

Le mendiant n’a point de patrie. Et pourquoi tiendrait-il au sol qui l’a vu naître ? Ce sol ne produit point pour lui. Vainement il se couvre d’abondantes récoltes ; véritable Tantale, le mendiant les voit et ne saurait y toucher. Il mourra peut-être ? N’importe, ces fruits se dessécheront plutôt sur leurs tiges…… à moins que la main dédaigneuse du riche ne les lui jette.

La liberté n’est pour lui qu’une amère dérision…….. Il est libre, dites-vous ? Oui, de mourir de faim !

Cent fois plus malheureux que l’esclave, il a cent maîtres au lieu d’un : n’ayant rien à lui, ni feu, ni lieu, ni pain, ni vêtement, il est dans la dépendance de tous ceux qui ont : sa vie est entre leurs mains. L’esclave du moins, s’il avait des devoirs à remplir, avait aussi des droits : il fallait que le maître le nourrit, le logeât, lui fournit des vêtemens. La loi l’avait ainsi réglé. Mais, dans l’état actuel de la civilisation, aujourd’hui que les pauvres ont succédé aux esclaves, quelle est la loi qui s’occupe d’eux ? L’humanité la réclame en vain. Ne cherchez point cette loi bienveillante ; le code des délits et des peines est le seul qui témoigne de la sollicitude de nos législateurs à leur égard.

Si le pauvre a faim et qu’il implore la pitié de son frère, qu’il demande, en suppliant, le pain nécessaire à sa vie, le glaive des lois est suspendu sur sa tête. Arrête, malheureux ! ta prière est un délit…… Tu vas fuir, diras-tu, cette terre inhospitalière ; mais tu ne peux faire un pas sans t’exposer a de nouvelles rigueurs ; si [4.1]tu fuis, bientôt tu seras flétri du titre de vagabond ; alors tu pourras vivre. Oui ! tu vivras du pain des prisons.

Heureux l’enfant du pauvre, s’il meurt au berceau de la vie ; la terre, cette mère commune, lui ouvrira son sein (car le pauvre a droit à la sépulture) mais s’il a le malheur de vivre, où reposera-t-il sa tête ? Partout on le repousse, et sa vie, sa vie entière n’est qu’une longue agonie.

 

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