L'Echo de la Fabrique : 7 octobre 1832 - Numéro 50

 CONSEIL DES PRUD’HOMMMES.

Audience du octobre,
(présidée par m. goujon.)
Dans la séance de ce jour, à laquelle assistait un auditoire nombreux, plusieurs causes intéressantes, surtout en ce qu’elles fixent la jurisprudence du conseil sur des points de droit où il n’avait pas encore eu à se prononcer, sont successivement appelées ; les questions suivantes ont été agitées et résolues.

Première question. – Un maître, dont l’élève est sorti de son atelier, sans avoir terminé son apprentissage, et dont les conventions portent une indemnité, payable dans le cas où elles ne seront pas remplies, peut-il, lorsqu’il a obtenu un jugement par défaut contre ce même apprenti, prendre en contravention le maître qui l’a reçu, soit qu’il l’occupe en qualité d’apprenti, soit comme ouvrier à gage, dans un état quelconque. – R. « Oui. Le contrevenant ayant son recours contre le répondant. »

Le sieur Larouy, chef d’atelier, avait une apprentie qui s’est enfuie de chez lui. Ayant fait assigner le sieur Ponsard, père de l’apprentie, à comparaître à l’audience du conseil, du 30 mai de cette année ; le sieur Ponsard ne s’y étant pas présenté, fut condamné par défaut, à payer au sieur Larouy, la somme de 200 fr., montant de l’indemnité portée sur l’acte d’apprentissage. Depuis, le sieur Larouy a pris en contravention le sieur Boirivent, négociant et chef d’atelier, comme occupant dans ses ateliers son élève sans livret. Le contre-maître de l’atelier, fondé de procuration du sieur Boirivent, dit pour sa défense, que cette fille n’a pas été trouvée à tisser de l’étoffe, ce qui est impossible ; ne permettant pas que personne entre dans ses ateliers, par la raison, dit-il, qu’il a le plus grand intérêt à ce que le genre d’étoffes qu’il fait fabriquer, ne soit pas connu ; et il déclare n’avoir occupé la fille Ponsard, que comme une ouvrière à gage, pour faire les canettes, et en conclut, qu’il ne peut y avoir contravention contre le sieur Boirivent, déclarant avoir reçu de bonne foi, la fille Ponsard, qui lui fut amenée par son père, et ignorant qu’elle eût contracté des [4.1]engagemens comme apprentie. La fille Ponsarda fait défaut.

« Attendu qu’il est constant que la fille Ponsardtravaille dans les ateliers du sieur Boirivent, le conseil décide que la contravention contre ledit est constante ; en conséquence, le condamne au paiement de la somme demandée et aux frais, sauf son recours contre les Ponsard. »

Deuxième question. Un propriétaire, ou tous autres qui seraient créanciers d’un chef d’atelier, ont-ils le droit, lors même que du consentement réciproque des parties, la dette aurait été inscrite sur le livret de ce dernier, de forcer le fabricant, détenteur du livret, à retenir le huitième sur les façons du débiteur, lorsqu’il s’y refuse et dénie au fabricant le droit de lui faire aucune retenue pour solder ses dettes, autres que celles résultant d’avances faites par un fabricant ? – R. « Non. Aucune somme ne pouvant être écrite sur le livret que celle des fabricans. »
Loi du 18 mars 1806.

Le sieur Carteron, créancier, pour location, du sieur T........, chef d’atelier, d’une somme de plus de 400 fr., l’a fait inscrire sur les livrets de ce maître, d’accord avec lui pour être payé par huitième sur ses façons, après les sieurs Favier et Rebeyre, négocians détenteurs des livrets, et créanciers eux-mêmes.

Le sieur Carteron réclamait au sieur Favier les retenues qu’il avait dû faire à son débiteur. Le sieur Favier, expose au conseil, que l’ouvrier s’est refusé à laisser aucune somme, en lui déniant le droit de les lui retenir, sans sa volonté ; et qu’il a été forcé de lui faire son compte. Il demande que le conseil prononce sur cette affaire, qui est d’un intérêt majeur. Après délibération, la décision suivante a été rendue :

« Attendu que la loi sur les livrets dit formellement qu’ils ne sont institués que pour conserver la propriété des fabricans, et qu’ils n’ont été établis que pour leur donner sûreté de leurs créances, le conseil déboute le sieur Carteron de sa demande en retenue, au sieur Favier, et annulle la créance portée sur les livrets à sa requête. »

Troisième question. – Un ouvrier compagnon, peut-il réclamer au maître qui l’occupe, un prix plus élevé que celui payé par le fabricant à ce dernier, surtout si le prix du fabricant est au dessous du cours fixé par la mercuriale ? – R. « Oui. Le maître ayant recours contre le fabricant en augmentation de prix de façons. »

Le sieur Biespre, ouvrier compagnon chez le sieur Panisset, réclame à ce dernier, le prix de 45 c par aune de rubans, et appuie sa demande en disant que le prix courant de cet article est ainsi fixé à 45 c par la Mercuriale ; il réclame aussi une indemnité pour son temps perdu.

Le sieur Panisset répond qu’après l’audience de conciliation, qui a eu lieu, il a règlé son ouvrier au prix de 40 c prix auquel il a lui-même été réglé par le sieur Goybet, et paraît surpris de ces nouvelles réclamations, et surtout, de celles pour le temps perdu, puisque le sieur Biespre a travaillé au sortir de chez lui. Le sieur Biespre dit avoir demandé de l’argent, à raison de ses besoins, et réclame maintenant, parce qu’il ne peut laisser en rente chez un maître 4 ou 5 fr. qui lui reviennent.

« Attendu que le prix des rubans est de 45 c, le conseil décide que le prix sera payé au sieur Biespre par le sieur Panisset, qui est en outre condamné aux frais, et auquel son recours est conservé contre le sieur Goybet (qui fait défaut), pour le prix de la façon, et déboute le sieur Biespre de sa demande en indemnité ».

 

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