L'Echo de la Fabrique : 14 octobre 1832 - Numéro 51

CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Audience du 11 octobre,

(présidée par m. goujon.)

Les membres du conseil, après être restés très long-temps dans la salle des délibérations, ouvrent l?audience à sept heures, en présence d?un auditoire nombreux et impatient.

Première question. ? Le conseil est-il compétant pour autoriser un fabricant à payer à un ouvrier les prix des façons à lui dues par le chef d?atelier chez lequel il travaillait et qui vient de décéder. ? R. Non.

La demoiselle Michaud réclamait à M. Berliat Sarrasin, la somme de ?, montant des façons qu?elle a faites chez le sieur Deschamps, décédé depuis peu.

« Le conseil, vu le décès, se déclare incompétent, et renvoie la cause et les parties devant le juge de paix du lieu où la succession est ouverte. »

Deuxième question. ? Le déchet des matières, laine, coton et bourre de soie, est-il de quarante-cinq grammes par kil. ? R. Oui.

Cette question importante vient d?être décidée dans l?affaire entre le sieur Malcras, chef d?atelier, et les sieurs Montperlier et Dubois.

« Le conseil ordonne que les déchets réclamés par le sieur Malcras, seront portés à raison de quarante cinq gram. par kilo. »

Avant de prononcer ce jugement, M. le président avait averti les auditeurs, que toutes marques d?approbation ou d?improbation étaient défendues ; aussi il a été écouté dans un profond silence.

Troisième question. ? Un fabricant qui fait l?avance d?une somme à un maître ouvrier a-t-il le droit de lui retenir cette somme entière à la fin de sa pièce, même dans le cas où le maître refuse de continuer de travailler pour lui ? ? R. « Non : le fabricant ne peut retenir que le huitième.

Le sieur Jacquet, réclame que la somme de cinquante francs, que lui a avancée le sieur Paul, pour lui monter un métier de velours, ne lui soit retenue que par huitième comme d?usage. Le sieur Paul s?y refuse et demande à retenir la totalité sur les façons qu?il doit

« Le conseil condamne le sieur Paul à payer de suite le sieur Jacquet, et à ne lui retenir que le huitième sur le montant de ses façons, et de plus, aux frais. »

Quatrième question. ? Un ouvrier compagnon peut-il réclamer un solde de compte à son maître après cinq mois qu?il est sorti de son atelier, sans avoir exigé de lui une reconnaissance de la somme qui est due. ? R. « Oui : Il ne peut y avoir prescription, l?ouvrier est toujours à temps de réclamer lorsqu?il prouve qu?il lui est dû, et que le maître ne peut constater, par des livres en règle, qu?il a soldé :

Le sieur Argeron, ouvrier menuisier, réclame la somme de 60 francs au sieur T......, son maître, il amène deux ouvriers qui ont travaillé après lui dans l?atelier. Interrogé par le président, le premier témoin déclare avoir vu venir pendant plusieurs semaines le sieur Argeron réclamer ce qui lui était dû ; le second témoin fait la même déclaration, ajoutant que leur maître ne les payait pas régulièrement, et n?avoir été soldé qu?un mois après être sorti de l?atelier. Le sieur Argeron présente son compte d?après lequel il lui revient 60 francs, et déclare, contradictoirement au sieur T........, n?avoir [4.2]reçu que dix francs lorsqu?il est sorti de chez lui, que depuis on le renvoyait à le payer de semaine en semaine. M. le président, après avoir fait plusieurs demandes au sieur T........, lequel fait plusieurs réponses contradictoires, finit par dire : qu?il n?a pas payé son ouvrier, par la raison que son père lui devait de l?argent.

M. le président ordonne au concierge d?accompagner le sieur T........, qui devra remettre de suite son livre de compte à M. Verra, un des membres du conseil chargé de l?examiner.

Le sieur T........., est venu le lendemain apporter la somme de 60 francs au greffe, et payer les frais.

L?affaire entre les sieurs Pigeol et Ginet, étant appelée, le sieur Ginetier, chef d?atelier, demande à M. le président de vouloir lui permettre d?assister son confrère le sieur Pigeol, à qui il est impossible d?expliquer son affaire. M. le président répond qu?il ne peut pas encorei déroger à l?usage, et déclare ne pouvoir l?entendre. M. Charnier observe alors que le sieur Ginet, la partie adverse, ne s?y opposant pas, on doit entendre l?assistant. M. Reverchon, chargé de faire un rapport sur cette affaire, déclare n?avoir pu la terminer, les renseignemens lui étant parvenus trop tard pour se concerter avec M. Charnier. L?affaire est de nouveau renvoyée pardevant quatre membres. M. Reverchon déclare qu?il entendra le défenseur du sieur Pigeol. Cette affaire, dont les différens datent de l?année 1827, ont enfin été conciliés, les parties ayant mutuellement renoncé à leurs prétentions.

Notes de fin littérales:

i Nous voyons dans ce mot encore un amendement, et nous espérons que M. le président y persistera, il comblera les v?ux de ses justiciables.

 

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