L'Echo de la Fabrique : 14 octobre 1832 - Numéro 51

LITTÉRATURE.1

Nous devons rendre compte de deux ouvrages qui ont été déposés dans les bureaux de l?Echo : le Chansonnier du Mouvement, par M. Laudera jeune ; et la Maçonnerie, par M. césena (Amédée Gayet de), et le F...l... Gouhenant.

M. Laudera, son modeste recueil à la main, nous prouve que le règne de la chanson ne finira pas en France de sitôt. La chanson a pris, il faut l?avouer, un caractère plus élevé et qui se rapproche de l?ode et du dithyrambe. Bérenger a formé une école digne de lui : M. Laudera est de cette école. La première chanson a pour titre : à ma Muse, et son refrain : Je ne te comprends pas est appliqué, avec autant d?énergie que de goût, à diverses circonstances de la société que nous ne voulons pas rappeler. Le lecteur aura du plaisir à les chercher lui-même. Les Quasis, le Charivari, la Paix ont reçu les honneurs de la proscription, cela ne prouve pas qu?elles soient les plus mauvaises du recueil. Toutes les chansons qui le composent sont chantées chaque soir dans les divers cafés des Célestins, où elles provoquent de nombreux applaudissemens. M. Laudera vient d?ajouter à sa collection une nouvelle chanson intitulée : Le Bousingot, qu?il faut bien se garder de prendre au sérieux. Espérons qu?il continuera à cultiver une muse qui n?est pas ingrate pour lui.

La Maçonnerie est un appel aux profanes et un conseil aux enfans d?hiram, soit francs-maçons. Profanes que nous sommes, nous avons peine à en concevoir le but, aussi nous garderons-nous bien de discuter cette grave question :
La liberté de l?homme est un décret du ciel.
Lemercier.

C?est sous l?inspiration de cette pensée généreuse que M. Césena a écrit. « La Maçonnerie, dit M. Gouhenant, n?est pas un culte, c?est une réunion libre et réglée d?hommes de toutes sectes, qui s?étend dans toutes les parties du globe, destinée au soulagement de ses frères, à la propagation des arts et de l?industrie, et au maintien de la liberté des peuples. Sa puissance est fondée sur le mystère inviolable qui les entoure à tous les yeux et les unit entr?eux. »

M. Césena, trop jeune pour être initié, a formulé en vers ces paroles de M. Gouhenant. Il y a de beaux vers, et d?autres médiocres ; (on sait qu?en poésie la médiocrité ne se pardonne pas), mais notre critique a été désarmée quand nous avons su que l?auteur de ce poème [6.1]n?avait que dix-sept ansi. Nous l?encouragerons, car ce jeune homme a un véritable talent ; mais il faut qu?il se défie de la passion de se produire, et qu?il travaille encore quelque temps en silence. Rien ne nuit tant à la jeunesse qu?une auréole prématurée de gloire.

Nous ne pouvons extraire aucun passage, car ils s?enchaînent l?un à l?autre d?une manière quelque peu mystique, et nous n?avons pas voulu essayer de rompre le voile qui nous cache une clarté inconnue : d?ailleurs, certains que l?adepte seul peut avoir le secret, nous ne pensons pas que M. Césena ait pu le connaître ni par la force de son génie, ni par les épanchemens de l?amitié. Quant au frère Gouhenant, il nous permettra, avant de le croire, de lui rappeler que tout maçon dit avec Socrate, dans un sens énergique : Ce que je sais, c?est que je ne sais rien. Nous aussi nous avons notre opinion sur la franc-maçonnerie ; nous pensons qu?on pourrait renouer à cet égard, la chaîne des temps ; nos études, nos goûts nous ont portés à la méditation des choses graves de l?Orient ; nous avons sondé la nuit des âges ; mais nous nous arrêtons, le poète a dit : O di profanum vulgus et arceo.

M??. C??..

Notes de base de page numériques:

1 L?auteur de ce texte est Marius Chastaing d?après la Table de L?Echo de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).

Notes de fin littérales:

i Ce jeune poète est auteur d?une Hymne aux vainqueurs d?AfriqueAfrique. ParisParis, 1830 ; ? d?une Ode sur la mort de NapoléonNapoléon, et d?un grand nombre de pièces de vers insérées dans la GlaneuseLa Glaneuse et le PapillonLe Papillon, journal des dames, des salons, des arts, de la littérature et des théâtres.

 

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