L'Echo de la Fabrique : 4 novembre 1832 - Numéro 54

 CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

Audience du 31 octobre,

(présidée par m. goujon.)

*** Première question. – Lorsqu’un apprenti soustrait des matières appartenant à son maître, ce dernier-a-t-il, en renvoyant son élève, le droit d’exiger non seulement le prix de l’apprentissage, mais encore l’indemnité stipulée pour le cas où l’élève n’achèverait pas le temps fixé pour son apprentissage ? – R. Oui, dans ce cas, le maître, en renvoyant son élève, a le droit d’exiger toutes les sommes qui lui sont dues à divers titres par les conventions.

Le sieur Béranger, balancier, expose au conseil que son élève est coupable de lui avoir soustrait des matières et de les avoir vendues. Il en communique à M. le président la preuve par écrit, et il ajoute, que par égard pour les parens, qui sont d’honnêtes gens, il ne portera pas cette affaire plus loin. Mais par ce fait il ne veut plus l’occuper, et réclame au père la somme entière qu’il s’est engagé à lui payer pour enseigner son état à son fils ; et celle qui lui est également due pour indemnité fixée par les conventions pour le cas prévu où l’élève ne finirait pas le temps convenu pour son apprentissage.

Le père de l’apprenti répond qu’il n’est que trop vrai, malheureusement pour lui, que son fils s’est mal conduit chez son maître ; mais il déclare que, dans sa position, il lui est impossible de payer la somme réclamée par le sieur Béranger. Ce dernier offre d’accorder du temps pour payer, moyennant sûreté.

« Attendu qu’il est constant que l’apprenti a des torts graves envers son maître, lesquels sont reconnus, le Conseil résilie l’apprentissage, et condamne le père à payer au sieur Béranger, intégralement, non seulement la somme fixée pour l’apprentissage, mais celle fixée pour indemnité dans le cas de résiliation, plus, les frais. »

*** Deuxième question. – Un manufacturier qui fait venir un ouvrier pour travailler dans ses ateliers, a-t-il le droit, lorsque ce dernier ne reste que peu de temps chez lui, de se faire rembourser la somme qu’il a dépensée pour son voyage ? – R. Oui, le maître a droit au remboursement des frais de voyage, lorsque l’ouvrier n’a pas travaillé assez long-temps dans son atelier, pour l’indemniser.

Le sieur Rodet, ouvrier graveur, de Mulhouse, ne parlant pas le français, est assisté d’un interprête ; il réclame 4 francs par jour, pour le temps qu’il a travaillé ; cette somme lui ayant été promise par le sieur Michel, imprimeur sur étoffes. Il produit un certificat de la personne qui l’a sollicité de venir à Lyon, lequel atteste que le sieur Michel promet payer les frais de voyage.

Le sieur Michel répond que lorsqu’il a fait venir des ouvriers de Mulhouse, il était bien dans l’intention de payer les frais de voyage et la somme de 4 francs par jour, mais à la condition qu’ils resteraient une année dans son atelier, il produit une copie de la lettre de demande, de laquelle il résulte une promesse de 4 francs par jour pendant une année ; le sieur Michel demande le remboursement des frais de route, montant à la somme de 42 fr. 70 cent, et prétend ne pouvoir porter les journées de l’ouvrier au-dessus de 3 fr. 50 cent, par la raison que cet ouvrier n’a travaillé que 43 jours et demi, pendant les petits jours, et que depuis l’espace de dix mois [6.1]il est sorti de son atelier sans le prévenir, lui ayant laissé son livret et ses outils.

« Attendu que la promesse de payer 4 fr. par jour au sieur Rodet est constatée par la lettre du sieur Michel, maîs attendu que le sieur Rodet n’a travaillé que 43 journées et demie dans l’atelier, et que ce temps n’a pas suffi au sieur Michel, pour se récuper des frais de route du sieur Rodet, le conseil décide que les journées de travail seront portées à 4 fr., et que l’ouvrier Rodet remboursera au sieur Michel 42 fr. 70 cent. avancés pour frais de route. »

 

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