L'Echo de la Fabrique : 18 novembre 1832 - Numéro 56

 Des relations commerciales
ENTRE LA FRANCE ET LA GRANDE BRETAGNE.1

Suite et fin (v. n° 55).

Le conseil des prud?hommes, profondément affecté des malheurs qui pourraient résulter pour notre cité, pour son commerce et son industrie-mère, d?une prohibition de nos étoffes par l?Angleterre, dans un moment où l?état du commerce est déjà si précaire, vient d?adresser [4.2]une pétition à M. le ministre du commerce pour réclamer sa protection pour une industrie aussi ancienne et aussi nationale que l?est la fabrique d?étoffes de soie de Lyon, et l?engager à ne point sacrifier son existence et son avenir à des industries factices, qui ne peuvent se soutenir que par un système de prohibition ruineux pour la France.

Dans cette pétition, le conseil rappelle à M. le ministre, que dans celle qu?il eut l?honneur de lui adresser, il y a quatre mois, et où il exposait que l?exportation de nos machines, avec un droit de sortie devenu illusoire, faisait craindre à nos fabricans de perdre la supériorité de nos procédés sur les fabriques étrangères, le ministre déclara ne pouvoir adhérer à la proposition du conseil ; que ce serait porter atteinte à la liberté du commerce, principe dans lequel la France est disposée à persévérer, de crainte, qu?en l?abandonnant, nous n?attirions sur la France une juste réciprocité, et que ce ne fût un funeste exemple à donner à l?Angleterre.

Aujourd?hui, c?est l?appui et les véritables conséquences de ce principe, que réclame le conseil, au nom de ses commettans, négocians et chefs d?ateliers, par cette pétition où il exprime l?espoir que nos rapports commerciaux avec l?Angleterre n?éprouveront que d?heureux changemens.

Nous aussi nous croyons que la liberté du commerce est une garantie de notre existence, et que c?est de ce système d?où doit découler un accroissement de bien-être pour les classes les plus nombreuses, en ne les rendant plus victimes de quelques monopolistes.

Nous espérons que le gouvernement prendra en considération la juste demande qui lui est faite, et que le ministre réparera, par des traités avantageux, le tort causé à notre cité, par le droit illusoire sur la sortie de nos machines, et que nous obtiendrons une protection qui fut accordée à notre industrie par tous les gouvernemens2. Nous rappellerons au gouvernement actuel que notre industrie est une source de richesses pour l?état, qu?elle ne s?alimente que des produits de notre sol, et que les exportations s?élèvent, par année, à 90 millions de francs. Notre industrie ne doit donc, à raison de son importance, être sacrifiée à aucune autre.

En thèse générale, la liberté du commerce, bien entendue, doit toujours profiter aux nations ; c?est à elle que nous devrons de consommer à bas prix les objets dont nous sommes privés. Et, pour ne citer qu?un exemple, nous dirons que c?est au système prohibitif, et pour le seul avantage de quelques capitalistes, que nous devons de payer le charbon de terre un tiers au dessus du prix qu?il coûterait, s?il était permis aux Anglais et aux Belges d?en importer en France. Ainsi, combien de malheureux endurent-ils le froid, uniquement dans le but d?accroître les revenus de quelques hommes déjà millionnaires. Pour prouver ce que nous avançons, il ne faut que réfléchir que les denrées de première nécessité ont toujours été en augmentant de prix, et que la main-d??uvre, le salaire du travailleur a toujours été décroissant ; que la fortune des riches, les propriétés ont toujours été en augmentant, et que les populations deviennent, par ces faits, toujours de plus en plus souffrantes.

Le vice qui a enfanté tous ces maux est la loi injuste qui envoie le propriétaire seul à la représentation nationale, où il n?a garde d?oublier ses intérêts, sans s?inquiéter de ceux des classes que la fortune a mis au dessous de lui.

F.......t.

Notes de base de page numériques:

1 L?auteur de ce texte est Joachim Falconnet, d?après la Table de L?Écho de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Si un sentiment d?inquiétude prévaut dans le milieu industriel lyonnais, il faut pourtant noter que les exportations de « machines et mécaniques », d?une valeur annuelle de 1 million de francs sur la période 1827-1836, ne représente que 0,3 % des principaux postes d?exportations et 0,9 % sur la période 1837-1846, (soit 5 millions de francs). Voir : André Broder, « Le commerce extérieur : l?échec de la conquête d?une position dominante », in F. Braudel et E. Labrousse, Histoire économique et sociale de la France, Paris, PUF, 1993, vol. III, 1789-1880, p. 305-346.

 

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