L'Echo de la Fabrique : 2 décembre 1832 - Numéro 58

 

DE LA POSITION GÉOGRAPHIQUE D’ANVERS,
et de son importance politique et commerciale.1

Anvers est une ville d’environ 70 mille ames, située sur la rive droite de l’Escaut. Son port est vaste et commode ; sa citadelle est bien fortifiée ; ses bassins et les chantiers de la marine sont magnifiques. Napoléon considérait Anvers comme l’un des plus beaux fleurons de sa couronne ; il y fit faire des travaux immenses en 1809 [7.1]et 1810. Chaque pierre, chaque monument rappelle la France dans cette ville devenue étrangère.

Anvers est à 9 lieues de Bruxelles, à 27 d’Amsterdam, à 86 de Paris ; le fleuve sur lequel elle est assise, naît sur le territoire français, et coule constamment dans les possessions belges ; son embouchure seule, à cinq lieues au dessous d’Anvers, est une possession hollandaise.

Les points militaires d’Anvers se composent de la citadelle, des forts Montébello et du Nord, et de la tête de Flandres avec ses dépendances.

Sur la rive droite de l’Escaut sont la citadelle et les forts Montébello et du Nord. Sur la rive gauche, en face de la ville, se trouvent la tête de Flandre et deux petits forts insignifians qui y sont liés. Toute cette rive gauche est occupée par les Hollandais.

Sur la rive droite, ils occupent la citadelle ; mais les troupes belges sont maîtresses des forts, et elles les ont entourés d’ouvrages immenses et bien armés. Ces forts sont situés, l’un, dit du Nord, à 400 toises environ au dessous de la ville ; l’autre, le fort Montébello, au dessus de la citadelle.

La citadelle, dont Napoléon confia la défense en 1814 à Carnot2, et dans laquelle commande aujourd’hui le général Chassé au nom de Guillaume, touche à la ville et est baignée par les flots de l’Escaut ; on voit qu’elle est flanquée à gauche par le fort Montébello, et à droite par Anvers.

La ville et la citadelle se touchent ; une esplanade seule le séparent. Près de cette esplanade et sur les bords de l’Escaut, on admirait jadis l’arsenal, et l’arsenal de la marine. En 1830, ils furent foudroyés par le général Chassé.

La tête de Flandre est protégée par une vaste inondation de terreins appelés les Polders : cette inondation dure depuis bientôt deux ans.

Anvers, dont les communications sont rapides et faciles avec Bruxelles, Gand, Namur, Liége et les deux grandes vallées de la Meuse et du Rhin ; Anvers est l’entrepôt naturel de tous les produits de l’Amérique et des Indes qui se consomment dans la Belgique et dans l’est de l’Allemagne. Pour l’Angleterre et la France, Anvers sera aussi un grand marché où les négocians du Nord seront toujours certains de trouver les produits de l’industrie de ces deux nations rivales et amies. En vain, en détruisant Anvers, Amsterdam voudrait s’assurer un injuste monopole : bientôt Anvers renaîtrait de ses cendres.

L’importance politique et militaire d’Anvers est, pour le royaume de Belgique, presque une question d’existence. Sans Anvers, les Belges sont sans point de défense contre leur voisin du Nord ; et celui-ci, au contraire, est protégé par une triple barrière de fleuves, de canaux, de marais qui mettent la frontière à l’abri d’un coup de main. En Belgique, c’est tout l’opposé ; quelques heures de marche amèneraient les Hollandais sous les murs de Bruxelles, et Anvers seul peut arrêter une invasion.

Notes de base de page numériques:

1 L’auteur de ce texte est Marius Chastaing, d’après la Table de L’Écho de la Fabrique (numéros parus du 30 octobre 1831 au 30 décembre 1832).
2 Lazare Carnot (1753-1823), général et scientifique français, gouverneur d’Anvers en 1814.

 

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