L'Echo de la Fabrique : 23 décembre 1832 - Numéro 61

 Nécessité de l’abolition des priviléges.

Au temps où la force faisait le droit, le Prolétaire, saintement inspiré, qui le premier vint proclamer cette vérité, que tous les hommes sont égaux, expia son audace et perdit la vie ; celui qui annonçait la vie nouvelle, la liberté ; périt du supplice des esclavesi. Mais bientôt il devait renaître pour vivre éternellement dans la mémoire des peuples, et sa parole retentit dans les siècles ; c’est elle, c’est son action puissante qui fit tomber les chaînes de l’esclavage, et qui plus tard devait assurer la liberté du monde. Oui, tous les hommes sont égaux ; la nature n’a fait ni maîtres ni esclaves, ni nobles ni plébéïens, ni bourgeois ni prolétaires. Dix-huit siècles de luttes continuelles, de guerres acharnées, ont, par des progrès successifs, détruit l’empire du préjugé et sanctionné cette loi morale si énergiquement formulée dans la déclaration des droits de l’homme, et dont il importe que la législation nouvelle soit la consécration. Que la loi consacre l’égalité de tous, et elle sera basée sur l’équité ; car l’égalité n’est autre chose que l’équité appliquée au système des lois. De ce principe naissent une foule de conséquences, dont la plus immédiate, celle qui les résume toutes, est la suppression des priviléges civils et politiquesii.

[1.2]Lorsque tous les pouvoirs de l’état se trouvaient réunis dans les mains d’un seul homme, les priviléges ou lois de faveur étaient nécessaires au maintien de l’autorité du monarque, et la raison d’état l’emportait sur l’équité. Aujourd’hui que la nation doit se gouverner elle-même, par des mandataires ; que l’on ne reconnaît plus de monarque en France, mais un roi, premier magistrat du pays, et qu’enfin les principes de la justice doivent être substitués aux caprices de l’arbitraire, il y aurait folie à laisser subsister l’iniquité des priviléges, qui, loin de servir de soutien au trône, seraient une cause permanente de révolutions. Il faut donc purger notre législation de ces lois injustes, favorisant l’intérêt de quelques hommes au détriment de l’intérêt général, qui doit être l’objet de toute mesure législative.

O…

(L’Industriel (Verdun). n° 29, décembre.)

Notes de fin littérales:

i Jésus-ChristJésus-Christ.
ii Sans nous occuper ici des priviléges politiques, disons un mot de ceux qui, dans l’ordre civil, grèvent la société au profit de quelques-uns, la nomenclature en est vraiment effrayante. Le commerce est soumis aux priviléges de la banque, des agens de change, des courtiers. L’industrie gémit sous le monopole des imprimeurs, libraires, boulangers, bouchers, affaneurs, modérés, etc. Le barreau est exploité par le privilége dans la personne des avoués. L’enseignement public, les théatres lui payent aussi tribut ; et tous ces corps eux-mêmes sont exploités dans leur intérieur par une surérogation de privilége sous les noms de syndicat, chambres de discipline, etc. Partout des chaînes ; nulle part la liberté.

 

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