L'Echo de la Fabrique : 4 décembre 1831 - Numéro 6

La lettre suivante a été adressée par M. Du Molart, préfet du Rhône, au rédacteur du Journal des Débats :

Lyon, le 30 novembre 1831.

Monsieur,

Dans les déplorables événemens qui viennent de se passer à Lyon, ma position a été si extraordinaire, qu'il n'est pas étonnant qu'elle ne soit pas comprise à Paris. Il est, en effet, sans exemple que l'autorité méconnue pendant le combat, et n'étant plus représentée que par un seul homme, s'empare d'une multitude enivrée de sa victoire, et s'en serve pour arrêter le désordre, réprimer les audacieuses tentatives de l'anarchie, et rétablir la tranquillité publique.

En restant à mon poste, après la retraite des troupes, je ne me dissimulais pas les dangers de cette résolution ; mais quand le devoir parle si haut, l'intérêt personnel doit se taire, et j'avais fait le sacrifice de ma vie, pour essayer de sauver la ville du sac dont elle était véhémentement menacée, et y maintenir l'autorité royale. J'ai réussi ; c'en est assez pour moi, et quel que puisse être le jugement des hommes sur ma conduite dans cette épouvantable circonstance, ma conscience ne me laissera pas sans force et sans consolations.

Les faits publiés par vous sont inexacts, aussi bien que ceux dont [5.1]M. le président du conseil a donné communication à la chambre des députés, d'après une dépêche non-officielle du 23. Une enquête peut, seule, les dégager des exagérations de la peur, et des insinuations de la mauvaise foi. Je la demande avec instance, parce que j'ai le plus grand intérêt à ce que la vérité soit connue. Jusque-là j'ajourne de plus amples explications, qui ne lui laisseront rien à désirer.

Je ne dirai plus qu'un mot : j'ai annoncé, il est vrai, le 19 novembre, à M. le président du conseil, que les émeutes n'étaient plus et n'avaient jamais été à craindre. On a vu que M. le lieutenant-général comte Roguet tenait le même langage. Le 20 au soir, en réponse à la réquisition que je lui adressais pour assurer le maintien de l'ordre, il m'écrivait encore : « Vous pouvez être sans inquiétude. »

Il était impossible de prévoir qu'aucune des dispositions prescrites par moi ne serait exécutée ou ne le serait que tardivement, et que d'un rassemblement d'abord inoffensif et sans armes, une malheureuse complication de fautes et de mal-entendus feraient une insurrection violente et considérable.

Agréez, etc.

Le conseiller-d'Etat, préfet du Rhône,
Signé Du Molart.

 

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