L'Echo de la Fabrique : 27 janvier 1833 - Numéro 4

 Revue quindécimale.

ÉTRANGER.

Espagne. – Ferdinand VII1 a profité de sa convalescence pour rendre le 31 décembre dernier un décret qui révoque celui qu’on lui avait fait signer pendant sa maladie, par lequel la pragmatique sanction du 29 mars 1830 était abolie, et l’infant don Carlos appelé à lui succéder. Ce décret a été suivi d’émeutes à Madrid et Tolède qui ont été réprimées de suite.

– Par un décret du 4 janvier courant, Ferdinand a déclaré reprendre les rênes du gouvernement.

Belgique. – Guillaume, roi de Hollande, a ordonné la fermeture de l’Escaut pour les navires belges anglais et français.

– La chambre des représentans a adopté le 17 janvier courant, la proposition du sénat de remettre une épée d’honneur au maréchal Gérard.

Suisse. – Mme Isabelle Montolieu2, auteur de Caroline de Lichtfield et de plusieurs autres romans, est morte le 28 décembre 1832, dans le canton de Vaud, sa patrie. Ses œuvres forment 103 vol. Elle était veuve de M. Crouzaz avant d’épouser M. Montolieu.

Naples. – M. Falconnet, célèbre banquier, a épousé la Dlle Héberlé ; danseuse du théâtre Covent-Garden.

Portugal. – Le général français Solignac3, accompagné de plusieurs officiers, est arrivé à Oporto le 1er janvier 1833, et a pris le commandement de l’armée de don Pédro.

Etats-UnisÉtats-Unis. – Le général Andrew Jackson, président de la république, a adressé aux dissidens de la Caroline méridionale, le 10 décembre dernier, une proclamation fort sage datée de Washington.

Egypte. – L’armée égyptienne, sous les ordres d’Ibrahim-Pacha, est entrée le 18 novembre dernier à Koniah, sans éprouver d’empêchement de la part de l’armée turque.

Le 21 décembre, une bataille a eu lieu dans la plaine de Koniah. L’armée turque a été complètement battue et le grand vizir fait prisonnier.

INTÉRIEUR.

PARIS.

Nécrologie. – Le célèbre géomètre Legendre4, est mort le 9 janvier courant. Il a voulu être enterré sans pompe à Auteuil.

Cour de cassation. – M. Beaudoin, conseiller à la cour de Rennes, a été suspendu pour six mois à raison de sa signature mise au bas d’une adresse en faveur de la duchesse de Berry. Me Garnier, avocat, a défendu M. Beaudoin. Ce qui n’avait jamais eu lieu dans les affaires de ce genre.

Cultes. – Le 14 janvier courant a eu lieu, du consentement du gouvernement, l’inauguration d’une chapelle de l’ordre des Templiers.

(Nous en rendons compte dans ce N°, voy. ci-après.)

Antiquités étrusques – M. Orioli de Bologne, vient d’ouvrir un cours ; à ce sujet le 9 de ce mois. MM. Letronne, Ballanche, etc., y ont assisté.

Maison royale. – Le roi est revenu à Paris le 19 janvier au soir de son voyage à l’armée du Nord.

CHAMBRE DES PAIRS.

14 janvier. – M. Mounier5 prononce l’éloge de Fabre de l’Aude6. Cet éloge est remarquable en ce qu’il constate deux traits honorables de la vie de cet ancien sénateur. C’est à Fabre de l’Aude qu’on doit, 1° l’abolition de la confiscation ; 2° la perception d’un droit en faveur des pauvres sur les billets de spectacles. – M. d’Haubersaert7 fait successivement le rapport de deux projets de loi dont il demande l’adoption : 1° celui sur le règlement du budget de 1829 ; 2° celui sur la prescription des sommes confiées à la poste. – M. Siméon fait le rapport sur la proposition de M. Portalis, député, relative à l’abrogation de la loi du 19 janvier 1816, qui a ordonné de férier le 21 janvier ; il conclut à son adoption avec cet amendement qui formerait l’art. 1er : « Le 21 janvier demeure un jour de deuil national. »

15 janvier. – La proposition Portalis, ainsi amendée, est adoptée. Sur 161 votans, 96 pour 65 contre.

17 janvier. – La loi sur le règlement du budget de 1829 est adoptée par 113 votans contre 9. – Celle sur la prescription des sommes confiées à la poste et non retirées, est adoptée à l’unanimité (101 votans).

[6.2] 19 janvier. – La proposition de M. Portalis, revenue de nouveau à la chambre des pairs (Voy. ci-après chambre des députés, 15 janvier) est adoptée une seconde fois, mais amendée ainsi : « La loi du 19 janvier 1816, relative au jour funeste et à jamais déplorable du 21 janvier 1793, est abolie. » 88 votans contre 63, au scrutin secret.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

janvier. – Démission de M. Gavaret8, député du Gers. – Discussion de la loi départementale.

10 janvier. – M. de Riguy présente : 1° projet de loi sur les capitaines au long cours ; 2° projet de loi sur les pensions de la marine. – M. Humann présente : 1° projet de loi sur la responsabilité des agents du trésor ; 2° projet de loi sur un crédit extraordinaire pour les pensions de l’armée de terre. – Sur la demande de M. Dugas-Montbel, la chambre décide que la commission nommée pour l’examen de la proposition de MM. Salverte. Daunou, etc., se réunira à celle nommée par le projet de loi sur l’instruction primaire ; le président fait observer que cette décision ne pourra pas être invoquée comme un précédent. – Discussion de la loi départementale (suite de la).

11 janvier. – Continuation de la discussion de la loi départementale.

12 janvier. – M. Estancelin9 fait un rapport de pétitions. La seule remarquable est celle du nommé Perotte, qui accuse la police d’assassinat sur les patriotes qui étaient réunis au pont d’Arcole … On passe à l’ordre du jour malgré les réclamations des députés Cabet et Charamaule10. M. Martin (du Nord) fait un rapport sur la proposition de M. Salverte relative à la reprise de l’enquête pour constater le déficit occasionné par l’ex-caissier du trésor Kessner, et conclut à son adoption.– M. Dupin aîné lit une proposition tendante à donner à la veuve du brave général Daumesnil (voir l’Echo, n° 44.), une pension de 10,000 fr. reversible sur ses enfans jusqu’à concurrence de 6,000 fr. seulement.

14 janvier. – Le colonel Paixhans fait le rapport sur le projet de loi tendant à donner une pension de 500 fr. aux 401 vainqueurs de la Bastille ; il conclut à son adoption en réduisant le taux de la pension à 250 fr. et en formant irrévocablement la liste des ayans-droit. – La discussion sur la loi départementale continue.

15 janvier. – Discussion de la loi départementale. – Un message de la chambre des pairs apporte la proposition Portalis sur la férie du 21 janvier, amendée. – La chambre, sans désemparer, vote, rejette à la presqu’unanimité l’amendement de la chambre des pairs, et sur la proposition de M. Mauguin, rétablit le texte primitif de la proposition qui est adopté à la majorité de 232 voix contre 43.

16-17-18 janvier. – La discussion de la loi départementale continue. – En cette dernière séance M. La Pinsonnière11 a fait un rapport sur divers projets de loi relatifs à des intérêts de localités. – M. Dumont a fait le rapport sur le budget des dépenses du ministère de la justice.

19 janvier. – Rapport de pétitions.

21 janvier. La loi sur le 21 janvier 1793, amendée par la chambre des pairs est adoptée par 262 votans contre 82, – Plusieurs projets de loi relatifs à des intérêts locaux sont adoptés. – Le ministre de l’intérieur présente un projet de loi pour suspendre jusqu’au 1er avril 1834, l’organisation de la garde nationale à Ajaccio ; Bastia, Bonifacio, Corte (Corse), Arles et Tarascon. (B. du Rhône).

22 janvier. Discussion de la loi départementale.

Propositions. – M. Boudet12 fait une proposition tendante à la réorganisation des cours royales ; elle est rejetée.– M. de Ludre13 en fait une pour accorder les droits d’électeur à ceux qui sont inscrits sur la seconde partie de la liste du jury ; elle est rejetée. – M. de Corcelles14 en fait une autre pour rectifier le règlement dans le choix des commissaires, et empêcher le cumul. La lecture de cette proposition est autorisée.

DEPARTEMENS.

Privas (Ardèche). – M. Champanet15 a été nommé député.

Dax (Landes). M. Dusserré16, président du tribunal de commerce de Bayonne, idem.

Bergues (Nord). – M. Alphonse de Lamartine, idem. (Il est en Grèce en ce moment.)

Clichy-la-Garenne, près Paris (Seine). – L’abbé Auzon dirigeait depuis le mois de février 1831 l’église de cette commune, suivant le rite de l’abbé Châtel (voir l’Echo,  50.) Le 9 janvier courant ordre lui a été donné d’évacuer le presbytère. – Les scellés ont été apposés, brisés par le peuple, et ensuite rétablis malgré la résistance des habitans qui avaient fait une barricade. L’émeute a été apaisée. Huit à dix personnes sont arrêtées. Tout est rentré dans l’ordre ; une protestation a été faite par les habitans cette commune.

Aurillac (Cantal.) – M. le lieutenant-général Milhaud l’un des [7.1]grands citoyens qui siégèrent à la convention nationale et votèrent la mort du roi parjure, vient de décéder à l’âge de 66 ans.

LYON

Tribunal civil. – La 1re chambre, présidée par M. Baudrier, a jugé le 17 de ce mois une question importante. Trente-cinq huissiers s’étaient réunis par forme de société en nom collectif, et avaient établi une étude centrale place St-Pierre. Quelques huissiers avaient eu le bon esprit de rester en dehors. Cette société n’a eu qu’une éphémère existence. M. Viallon avait formé une demande en dissolution à ses confrères, et par ricochet le syndic de la communauté en avait formé une en dommages-intérêts contre l’huissier Demare qui, après avoir signé l’acte de société s’en était retiré. Il ne s’agissait rien moins que de lui faire payer 10,000 fr. de dommages-intérêts. Cet huissier a fait plaider la nullité de la société. Le procureur du roi a conclu en ce sens, et le tribunal, par un jugement très-bien motivé, l’a déchargé de tous dommages-intérêts, en déclarant la société nulle comme illégale et immoralei.

Eglise saint-simonienne. – Les bals que les saint-simoniens donnaient tous les dimanches à la Rotonde de Perrache, ont été interdits le 20 de ce mois.

Notes de base de page numériques:

1 Roi d’Espagne en 1808 puis depuis 1814, Ferdinand VII (1784-1833) allait appeler à sa succession sa fille Isabelle II, entraînant la réaction de son propre frère, Charles de Bourbon (1788-1855) ce qui déclenchera la première guerre carliste (1833-1839).
2 Isabelle Montolieu (1751-1832), écrivain suisse.
3 Général J.-B. Solignac (1773-1850).
4 A.-M. Legendre (1752-1833), mathématicien français.
5 C.-P., baron Mounier (1784-1843), pair de France depuis 1819.
6 J.-C. Fabre, dit Fabre de l’Aude (1755-1832). Personnage important de la Révolution française, il fut notamment député aux états généraux puis commissaire du roi en 1790.
7 A.-F., comte d’Haubersaert (1771-1855), pair de France depuis 1824.
8 L.-S. Gavarret (1791-1881), député du Gers.
9 L. Estancelin (1777-1858), député de la Somme depuis 1830.
10 H.-M. Charamaule (1794-1886), député depuis 1831.
11 A.-J. Lhomme, comte de La Pinsonnière (1788-1869), alors député d’Indre-et-Loire.
12 P.-P. Boudet (1799-1844), député du Tarn-et-Garonne depuis 1831.
13 C.-L., comte de Ludre (1796-1884), député de la Meurthe.
14 C.-T. de Corcelles (1768-1843).
15 J.-A. Champannet (1785-1868), député de l’Ardèche.
16 P.-V. Duséré (1780-1847), député des Landes.

Notes de fin littérales:

i Nous traiterons cette question qui est d’ordre public et intéresse tous les citoyens. Les huissiers sont fonctionnaires, et dès lors il ne saurait leur être permis de contracter aucune société entr’eux. Il en est de même de tous les états qui sont fondés sur un privilège ; ainsi, par exemple, les drapiers peuvent s’associer en tel nombre qu’ils veulent, parce que la concurrence viendrait rétablir l’équilibre ; mais tous les bouchers ou boulangers d’une ville ne pourraient le faire attendu que leur nombre étant limité, la concurrence deviendrait impossible. Nous expliquerons cela plus amplement ailleurs.

 

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