L'Echo de la Fabrique : 10 février 1833 - Numéro 6

 LE PEUPLE.

Le peuple !?

On entend chaque jour ce mot prononcé avec un étrange et ridicule dédain, le peuple !? Et chaque individu qui l?emploie prétend ne pas appartenir à la catégorie qu?il désigne. C?est pitié de voir ce sot orgueil, ce dédain comique pour la plus noble désignation.

Insensés, dirons-nous à ceux qui la repoussent, insensés ! le peuple, c?est vous, c?est nous tous sans distinction. C?est cet être collectif que vous contribuez à former, qui gagne des batailles, qui se couvrit de gloire en prenant la Bastille, en marchant du Caire au Kremlin avec un chef de son choix, qui se passionne pour tout ce qui est grand et généreux, qui s?élève aux sentimens les plus sublimes, qui frémit d?admiration au récit des grandes actions, c?est en un mot la nation, nom élevé, grand et majestueux qui doit dominer toute la vie sociale.

Il n?y a rien au-dessus de la nation : le peuple, la nation, c?est pour eux que doit être faite toute la machine gouvernementale, et non pour ceux qui, volontairement, veulent se séparer de cette grande et noble famille, pour l?exploiter à leur profit. Il délègue son pouvoir, le peuple ; mais le délégué n?est au-dessus de lui que parce que le peuple l?a voulu.

Le peuple seul peut apprécier les hommes à leur juste valeur ; sa voix est, comme on l?a dit, la voix de Dieu. Quand il frappe un nom de réprobation, c?est qu?il la mérite, cette réprobation ; quand il l?élève, [1.2]c?est qu?il doit être élevé. Pourquoi ses jugemens sont-ils presque toujours sans appel ? C?est que le peuple juge les hommes sur les services qu?ils lui rendent.

On a fait grand bruit de hautes popularités qui sont mortes ; mais quand on regarde bien au fond des choses, on reconnaît que ces popularités méritaient de mourir.

Le peuple n?est point cet être aveugle qui frappe sans examen. On nous cite 93 ; mais ce n?est pas le peuple qui frappait alors, c?était l?étranger qui soudoyait des hommes féroces, qui avaient mission de déconsidérer le peuple et sa sublime révolution de 89.

Il faudrait qu?enfin l?on cessât de flétrir le peuple par des accusations de cruauté, trop prodiguées depuis 50 ans. On lui jette d?odieuses calomnies, qui tendent à le présenter sous un aspect sanguinaire ; c?est une tactique mise en ?uvre par la poignée d?intrigans qui l?exploitent pour le mieux asservir. Le peuple s?est manifesté en juillet, c?est-à-dire la nation, dans sa haute et admirable générosité ; cessons de la voir dans les égorgeurs de toutes couleurs, et disons hautement qu?il n?est pas de nom plus élevé, plus sublime que celui-ci : Le Peuple !

Miran.

 

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