L'Echo de la Fabrique : 3 mars 1833 - Numéro 9

 CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

(présidé par m. putinier.)

Audience du 28 février 1833.

D. Lorsqu’un négociant a reçu et vendu la pièce que lui a rendu le tisseur, peut-il lui diminuer le prix de sa façon en prétextant qu’elle était mal fabriquée ? – R. Non : la pièce n’étant pas représentée est censée avoir été bien fabriquée.

D. Une indemnité est-elle dûe par le négociant qui fait perdre son temps à un ouvrier en faisant défaut ? – R. Oui : une indemnité est dûe.

Le sieur Marchetti a fait assigner le sieur Roux et lui réclame le prix de 70 c. par aune sur une pièce de gros de Naples uni ; plus un défrayement pour le temps qu’il a perdu, en se rendant successivement à trois audiences. Le sieur Roux déclare avoir vendu la pièce dont s’agit à perte, par suite de sa mauvaise fabrication.

Le conseil prononce ainsi :

« Attendu que le sieur Roux ne peut produire la pièce ; attendu dès lors l’impossibilité d’en reconnaître la mauvaise fabrication, elle est considérée comme bonne et recevable. Le prix de la façon, marqué 45 c. sera porté à 65 c. Condamne le sieur Roux à 5 fr. d’indemnité pour le temps qu’il a fait perdre au sieur Marchetti, par les défauts consécutifs, plus aux frais. »

Lorsqu’un négociant a écrit sur le livre d’un chef d’atelier, bonification, l’augmentation de salaire à laquelle il a été condamné, le chef d’atelier est-il dispensé de donner à son compagnon la moitié de cette augmentation. – R. Non.

Le sieur Joyard avait été condamné à payer à Bozon : 1° 5 c. de plus par aune de rubans ; 2° 10 fr. pour indemnité de montage de métiers. Ces deux sommes ne furent pas marquées ainsi sur le livre du sieur Bozon, mais sous celui, bien plus agréable, de bonifications. De ce fait le sieur Bozon s’est cru autorisé à refuser à son compagnon la moitié de l’augmentation de la façon qui lui revenait, soit 2 centimes et demi par aune. Mais sa prétention fut écartée à l’audience du samedi 23 février [08.1]dernier. Le sieur Bozon faisait donc comparaître de nouveau en cette audience sieur Joyard négociant, et demandait la rectification de l’inscription mise sur son livre. Il réclamait en outre sur une omission de 20 grammes de déchet.

« Attendu que quoique ces deux sommes soient portées sur le livre de Bozon, comme bonification, il est écrit plus bas, que la moitié de la façon est due au compagnon, et que le compagnon ne peut souffrir de l’irrégularité de l’inscription mise sur le livre du maître, inscription qui pourrait être quelquefois le résultat d’un concert frauduleux, attendu l’erreur du déchet :

Le conseil maintient son jugement en premier et dernier ressort, que nonobstant l’inscription irrégulière faite sur le livre, le Bozon, payera à son ouvrier, la moitié de l’augmentation de 5 centimes par aune qui lui a été allouée, condamne Joyard à payer les 20 grammes de déchet omis. »

Note du Rédacteur. Nous croyons que dans ce cas, comme dans ceux de cette nature qui pourraient se présenter, le conseil doit rappeler aux négocians, que lorsqu’ils sont condamnés à payer des défrayemens pour montage de métiers, temps perdu ou une augmentation de façon, ce qui est encore bien différent, ces sommes doivent être portées sous leur titre réel et non comme bonification, car c’est une dette qu’ils acquittent. Cela préviendra des abus qui peuvent devenir graves et des difficultés qui ne manqueront pas de surgir chaque jour.

 

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