L'Echo de la Fabrique : 21 avril 1833 - Numéro 16

CONSEIL DES PRUD’HOMMES.

(présidé par m. goujon.)

Audience du 18 avril 1833.

D. Le négociant a-t-il le droit de refuser au chef d’atelier le montant de ses façons, ce dernier refusant de lui rendre les cartons qui ont servi au tissage ? – R. Oui, le négociant peut se refuser au paiement lorsque les objets fournis pour la confection de l’étoffe ne lui ont pas été rendus.

D. Le maître qui a payé le laçage des cartons avant la décision du conseil qui le met à la charge du négociant a-t-il le droit, dans le cas où ce dernier se refuse au remboursement, de les rendre délacés ? – R. Non ; l’ouvrier doit rendre les dessins lacés, attendu que l’usage a toujours été de les rendre ainsi.

Berger, chef d’atelier, fait assigner Colin en paiement de la somme de 1,500 fr., montant de ses façons, compris celle provenant de l’étoffe fabriquée depuis sa demande. – Colin répond n’avoir refusé de l’argent à Berger, que par le refus qu’il a fait de lui rendre les cartons qui devaient servir à un autre ouvrier, dont le métier est resté en suspens par ce fait. Il s’engage à payer à la réception des cartons. – Berger déclare n’avoir retenu les cartons qu’après avoir essuyé plusieurs refus de paiement, et n’avoir refusé de rendre ces cartons que pour obtenir plus vite ce qui lui était dû ; et demande en outre que la somme de 35 fr., montant d’un laçage de dessin, payée il y a un an, lui soit remboursée, que, dans le cas contraire, il puisse rendre les cartons délacés. Après vérification des livres il a été statué :

« Attendu que le prix du laçage a été convenu à la charge du chef d’atelier ;

« Attendu que l’usage était à l’époque où les cartons ont été remis au chef d’atelier, de les faire lacer et de les rendre lacés ;

« Le conseil décide que les cartons seront rendus lacés ; condamne Colin à solder Berger à la réception des cartons, et aux frais, le conseil déclare en outre que dans le cas où Colin ne paierait pas à Berger la somme qui lui est due, d’abord par le réglement accepté des livres ; le [4.1]présent jugement pourra lui valoir ce que de droiti. »

D. Lorsqu’un élève appartenant à l’hospice de la Charité quitte l’atelier de son maître, ce dernier peut-il avoir recours contre l’hospice pour le paiement de la nourriture fournie à cet enfant ? – R. Non. L’hospice, d’après ses réglemens, ne doit payer aucune somme pour les enfans âgés de plus de douze ans.

Un élève appartenant à l’hospice s’enfuit de chez le sieur Messy son maître. Ce dernier le réclama à l’employé de cette administration chargé des placemens, lequel, par erreur ou mauvaise volonté, déclara d’abord ne pas l’avoir vu ; plus tard il a avoué l’avoir placé ailleurs. Dans une petite audience, dite de conciliation, le conseil avait décidé qu’une indemnité était due au chef d’atelier ; l’hospice ne s’est pas soumis à cette décision ; et sur son refus de payer, une comparution a eu lieu à l’audience de ce jour. Les parties ont été interrogées, et l’employé de l’hospice a déclaré, avec beaucoup de sang-froid, que cette administration ne devait rien pour les orphelins qui avaient passé l’âge de 12 ans.

« Le conseil, attendu le défaut d’engagement entre l’hospice et le sieur Messy, et les considérations que l’on doit avoir pour l’administration, déboute le chef d’atelier de sa demande. »

Ce jugement nous paraît décider légèrement une question bien grave. Nous l’examinerons dans notre prochain numéro.

Le conseil a renvoyé à huitaine la cause de Giraud contre Dépouilly, et ordonné que Riquet, apprenti de Larzelier, était mis sous la surveillance d’un de ses membres.

Notes de fin littérales:

i M. BergerBerger, après s’être conformé aux décisions du conseil, n’a pu être payé, il est obligé de recourir aux voies judiciaires pour obtenir son paiement. Rendez, rendez, dit le conseil, ce qui appartient au négociant ; plus, les cordes et la façon du laçage, quoique ce soit la propriété du chef d’atelier ; mais vous, travailleurs, attendez, prenez patience, l’on vous promet de vous payer de suite ; si l’on ne vous paie pas, vous ne pouvez perdre ; voit-on des négocians faillir ?

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique