L'Echo de la Fabrique : 16 juin 1833 - Numéro 24

DU SYSTÈME PROHIBITIF.

La valeur plus ou moins grande que l?on attache au système prohibitif, la faveur ou la défaveur dont on l?environne n?a d?origine véritable et d?explication légitime que dans l?opinion diverse que les partisans de la liberté commerciale et les défenseurs du système prohibitif ont conçue de l?avenir des peuples européens : les premiers croient à la paix, les seconds croient à la guerre.

Si les peuples de l?Europe sont destinés, dans l?avenir comme dans le passé, à guerroyer les uns contre les autres, à se considérer comme ennemis, comme concurrens ; si leurs intérêts et leurs passions doivent les pousser à se tenir à l?écart les uns des autres, s?ils doivent employer leur temps à détruire réciproquement leur industrie, leur plantations et leur commerce, à coup sûr le système prohibitif est excellent. Ce sera, si l?on veut, un grand malheur que la nécessité de le conserver, mais c?en serait un plus grand de le détruire ; car avec lui périrait la sauvegarde des nations, et le peuple crédule et confiant qui aurait compté sur les produits de ses voisins, tandis qu?eux se seraient mis en état de se passer des siens, serait rapidement la victime de sa bonne foi.

Mais, au contraire, si l?on [1.2]croit, et telle est notre opinion confirmée, au reste, par le spectacle que présente le monde entier, que nous entrons dans une ère toute nouvelle de paix, d?industrie et de commerce ; si l?on croit que les nations, fatiguées de la guerre, et convaincues de plus en plus de ses résultats ruineux, sont poussées par la pente invincible et naturelle de leur vie à former entre elles toutes de grandes alliances commerciales, seules sources véritables de grandeur et de félicité, alors le système prohibitif paraît un fléau, une tradition des temps de barbarie, et le jour où il sera possible de délivrer l?industrie des mille entraves qu?il lui impose, devient l?objet de tous les v?ux.

Si le système prohibitif est en lui-même une chose bonne, il faut le pousser à sa perfection, et cette perfection que serait-elle ? Elle consisterait à rassembler sur le sol d?une seule nation les produits de tous les climats et de toutes les industries, à mettre chaque peuple en état de se passer complètement de tous les autres ; à rendre inutile tout commerce et tout échange, à dénouer les relations industrielles qui lient les nations, à vivre enfin comme si le monde était compris dans l?enceinte des frontières.

Si dans la théorie l?absurdité du système prohibitif devient manifeste, aussitôt qu?on en pousse un peu loin les conséquences, les faits ne lui sont pas moins contraires.

Y eût-il jamais un système prohibitif plus complet, plus fortement voulu et institué, appuyé par plus de forces, exécuté par une administration plus active et plus obéissante que le blocus continental ? On sait quel en fut le résultat. Qui a mis dans le sein des états de l?Union américaine la discorde et la dissension, peut-être la guerre civile ? La tentative de soumettre à une même loi de douanes des pays situés sous des latitudes diverses et avec des intérêts différens. Nous-mêmes, enfin, qui nous a mis dans la position perplexe, fâcheuse et tous les jours plus grave, où se trouvent placées nos industries, sinon les remèdes factices et dangereux que nous avons voulu chercher dans le système protecteur ?

Vouloir la paix, le développement de l?industrie et l?abaissement progressif des tarifs de douanes, c?est une seule et même chose : c?est un exemple que depuis plusieurs années déjà nous donne l?Angleterre, long-temps notre ennemie et notre rivale, aujourd?hui notre émule : nous devons l?imiter.

De même qu?entre les individus la division du travail et la combinaison des efforts sont la double source de [2.1]la richesse ; de même entre les nations, la spécialité de la production et l?échange sagement réglé des produits, sont l?origine de toute prospérité.

Ch. L.

 

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