L'Echo de la Fabrique : 24 juin 1833 - Numéro 25

AU RÉDACTEUR.

Lyon, le 10 juin 1833.

Monsieur,

En parlant dans votre dernier numéro d?une contestation portée devant la justice de paix du 1er arrondissement de Lyon, entre un propriétaire et son locataire, vous avez dit : « M. le juge de paix a ordonné que le locataire viderait sur le champ les lieux, et emporterait son mobilier sans rien payer. » Je n?aurais pas eu le droit de rendre une telle décision, en d?autres termes, d?enlever au propriétaire son gage légal. Aussi n?ai-je pas ordonné par voie de sentence, [2.1]mais seulement invité par voie de conciliation, le locataire à partir et le propriétaire à laisser emporter le mobilier qu?on reconnaissait ne consister qu?en objets rigoureusement insaisissables. Vous concevez, Monsieur, qu?il y a une grande différence entre conseiller un acte d?humanité comme conciliateur, et l?exiger comme juge.

Vous avez dit aussi que la justice de paix du 1er arrondissement de Lyon se partage en deux sections, expressions qui pourraient faire supposer une division administrative ou judiciaire. En indiquant des audiences supplémentaires dans une commune du canton, autre que le chef-lieu, j?ai eu pour but de faire une chose utile aux justiciables, mais qui résulte seulement de l?exercice d?une faculté que la loi me donne.

Je vous serais obligé de vouloir bien rectifier votre article par l?insertion de la présente lettre.

Agréez, Monsieur, l?assurance de ma considération distinguée.

Morin,

Juge de paix du 1er arrondissement de Lyon.

Note du rédacteur. ? Nous ne pouvons accepter le désaveu pur et simple de M. le juge de paix du premier arrondissement. C?est sur notre demande formelle et réitérée qu?il a dit à Grinand d?emporter ses effets sans rien payer. Nous savons bien qu?il n?a pas rendu de jugement et nous ne l?avons pas dit, mais nous avons dû penser que cette décision préparatoire se liait dans son esprit à notre demande en dommages-intérêts. Nous avons pu nous tromper ; cependant pourquoi dire à Grinand de vider les lieux sans paiement et ne pas attendre au lundi suivant pour décider sur le tout. Ce que nous nions, c?est la transformation de cette décision en une simple invitation. M. le juge de paix peut consulter ses souvenirs et il se rappellera sans doute qu?il n?a pas dit à Grenier : voulez-vous que votre locataire s?en aille sans payer, je vous y engage, ou autres paroles analogues. Il a prononcé lui seul. Du reste nous croyons inutile d?insister davantage sur ce point.

Quant à la division de la justice de paix en deux sections, que nous avons annoncée, nous nous empressons de faire droit à la réclamation de M. le juge de paix. Cette division n?est pas le résultat d?une disposition législative, elle a été faite par lui-même dans l?intérêt des habitans de la rive gauche du Rhône. A cet égard nous dirons ce que sa modestie a fait taire à M. Morin ; on lui doit une importante amélioration. Avant lui la justice de paix du 1er arrondissement ne tenait que deux audiences, le mardi et le vendredi, rue des Marronniers, et les citoyens des Brotteaux et de la Guillotière étaient obligés de s?y transporter, à leur grand détriment. Des plaintes nombreuses s?élevaient chaque jour ; mais M. Devienne, titulaire, était trop grand seigneur pour s?en occuper. Heureusement la révolution de juillet est venue. M. Morin, ancien avoué et rédacteur en chef du Précurseur, a obtenu cette place bien au-dessous des services rendus par lui à la cause populaire ; alors il a divisé sa justice de paix en deux sections, et tous les lundis et jeudis il se transporte à la Guillotière. M. Morin tient donc quatre audiences par semaine pour se mettre à la portée de ses justiciables. Ces derniers lui en savent gré ; aussi n?aura-t-il rien à redouter lorsque la nomination des juges de paix sera rendue au peuple.

 

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