L'Echo de la Fabrique : 30 juin 1833 - Numéro 26

LYON VU DE FOURVIÈRES.

Prospectus de l?Editeuri1.

On a beaucoup exagéré, selon nous, l?empire usurpé sur les esprits par les préoccupations politiques. Certes, rien d?aussi sérieux que la situation présente. Depuis l?établissement du christianisme, jamais les hommes n?avaient été témoins d?un si vaste enfantement. Nous assistons à une Genèse nouvelle. Il est impossible qu?un spectacle pareil n?excite pas au plus haut degré l?attention universelle : ce que nous contestons, c?est que cette attention soit exclusive. Il n?est pas vrai que l?art soit un anachronisme dans notre siècle ; il n?est pas vrai que la littérature se meure et que Juillet lui ait porté le dernier coup. Loin de là, jamais elle n?a été plus active que depuis la révolution. Jamais époque n?a été plus féconde en publications esthétiques de tout genre que les trois années qui viennent de s?écouler. Et ce mouvement n?est pas resté concentré à Paris ; il s?est propagé sur tous les points de la France et dans des provinces autour desquelles s?élevait jusqu?alors une espèce de muraille de la Chine, qui y arrêtait les idées et en empêchait la circulation.

C?est à Lyon surtout que s?applique cette remarque. Qu?on se souvienne de l?état de cette ville, il y a quelques années, alors qu?elle avait peine à soutenir les quelques feuilles périodiques qui représentaient ses opinions. L?esprit mercantile y régnait sans rival. Sa vie entière était concentrée dans le cercle étroit de ses habitudes commerciales. Aujourd?hui, un changement sensible s?est opéré. Les goûts littéraires s?y sont peu à peu répandus, et à tel point que la fondation du Papillon, journal qui leur est exclusivement consacré, est devenue nécessaire, et qu?une fois créé, il a joui d?une prospérité sans cesse croissante. Lyon est actuellement, pour la province, une espèce de capitale littéraire. Il renferme dans son sein des publicistes, des écrivains, des poètes du premier mérite.

C?est à eux que nous venons faire un appel. Nous tiendrons à honneur que notre ville natale n?ait rien à envier à Paris, et nous avons rêvé pour elle un livre, dans le genre de celui des Cent-et-un, mais plus spécial encore s?il était possible, un livre qui, en décrivant ses m?urs, ses monumens, en rappelant ses souvenirs et son histoire, serait, pour ainsi dire, la physiologie de cette belle cité.

Cette publication, à laquelle de hauts talens ont déjà promis de coopérer, aurait l?avantage de faire connaître à la capitale cette littérature de province pour laquelle elle a trop de dédain, et de lui apprendre que Lyon, qu?elle voit augmenter chaque jour en importance politique, accroît aussi de plus en plus son importance littéraire. Pouvons-nous espérer d?être secondés dans une entreprise où notre unique mobile est l?amour de l?art, la première passion de notre vie.

(Voy. les Annonces.)

Notes de base de page numériques:

1 Impulsé par Léon Boitel (1806-1855), le recueil Lyon vu de Fourvières : esquisses physiques, morales et historiques, mêlait des textes de jeunes littérateurs locaux à quelques signatures plus prestigieuses, Alexandre Dumas (1802-1870) ou Jules Michelet (1802-1870). Présenté par Anselme Petetin, alors emprisonné, le recueil constituait aussi un manifeste en faveur de la décentralisation, tant littéraire que politique, et annonçait l?entreprise de la Revue du lyonnais.

Notes de fin littérales:

i M. Léon BoitelLéon Boitel. Son nom est un sûr garant du succès de cette entreprise.

 

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