L'Echo de la Fabrique : 7 juillet 1833 - Numéro 27

Tribunal de Commerce.

Mardi dernier, une cause importante pour la classe ouvrière, celle du sieur Berger contre la faillite Colin, a été appelée au tribunal de commerce et renvoyée au 16 de ce mois.

Les lecteurs se souviennent que Berger fit assigner le sieur Colin pour l’audience du 18 avril dernier (Voyez l’Echo, n° 16, pag. 127, Conseil des prud’hommes), en paiement du montant de ses façons ; Colin soutint n’avoir refusé de l’argent à Berger que par suite du refus de ce dernier de rendre les cartons, et s’engagea à payer à leur réception. – Berger répondit en déclarant n’avoir retenu les cartons qu’après avoir essuyé plusieurs refus de paiement, et pour obtenir plus vite ce qui lui était dû, il offrait encore de remettre ces cartons au greffe jusqu’à ce qu’il reçût son argent. – Mais le conseil, ou pour mieux dire le sieur Goujon, sans consulter ses collègues, ordonna à Berger de rendre les cartons. Nous fîmes observer alors combien ce jugement était peu raisonnable. Nous avons reproduit cette observation dans un article inséré dans un de nos derniers numéros (V. l’Echo, n° 24, p. 194), c’est pourquoi nous n’y reviendrons pas.

Qu’est-il arrivé ? ce que nous avions prévu. Berger, obligé de rendre ce qui lui servait de gage, n’a pas été payé ; il est parvenu seulement, à grand’peine, à recevoir un à-compte. Le délai qu’il avait été forcé d’accorder venait d’échoir, lorsque la maison Colin, sentant sa prochaine déconfiture, eut la pudeur de ne pas vouloir profiter davantage du bénéfice d’un jugement rendu, nous l’avons su depuis, dans l’ignorance du droit rigoureux des ouvriers, ignorance qui ne nous surprend pas de la part d’un homme qui a ressuscité au conseil des prud’hommes la doctrine de Fouquier-Tinville d’odieuse mémoire, sur le droit sacré de la défense. La maison Colin rendit donc à Berger le gage de sa créance, afin qu’il pût, le cas échéant, exercer utilement son privilége. Ce chef d’atelier se croyait à l’abri de toute recherche, lorsqu’une assignation au tribunal de commerce, donnée à la requête de MM. Clément Reyre, négociant, prud’homme démissionnaire, Dumont et Benjamin Roland, syndics de la faillite, est venue troubler sa sécurité. Nous devons espérer que le tribunal lui donnera gain de cause et réparera par-là [5.1]l’erreur du conseil des prud’hommes. Me Dubié, avocat, est chargé de la défense de Berger.

Nous avons remarqué, avec plaisir, que Me Augier, avocat, a plaidé au commencement de la grande audience pour un sieur D...., sans être revêtu de la robe distinctive de sa profession. Nous signalons ce fait comme une amélioration. Tous les citoyens sont égaux ; que signifient dès lors ces costumes dont s’affublent certaines corporations privilégiées. Depuis Molière les médecins n’en portent plus. Il est bien temps que le barreau suive cet exemple. Nous félicitons Me Augier de l’avoir donné à ses confrères. Ceux-ci auront sans doute le bon esprit de le suivre, au moins au tribunal de commerce où aucune prescription légale ne vient enchaîner leur libre arbitre.

 

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