L'Echo de la Fabrique : 25 décembre 1831 - Numéro 9

On lit dans plusieurs journaux la lettre suivante :

Lyon, le 20 décembre 1831.

Monsieur,

En acceptant la préfecture du Rhône, après plusieurs jours de refus, j'ai fait au roi et au pays le sacrifice de mon indépendance, de mes goûts, de mes habitudes, de mes affections, de ma santé et d'importans intérêts privés. Dans les trop déplorables événemens de Lyon, j'avais ajouté celui de ma vie pour maintenir l'autorité royale sur une grande population en partie égarée, et qu'il eût été dangereux d'abandonner à la fermentation de ses idées et aux perfides suggestions de la malveillance. Je ne mettais à mon dévouement qu'une borne qu'un honnête homme ne doit jamais franchir ni laisser franchir. M. le président du conseil vient de la renverser... Quand il n'est pas admis par un gouvernement que l'honneur de ses agens, du moindre citoyen, lui est aussi sacré que les lois divines ; quand il l'immole au besoin de cacher ses propres fautes et de soulager sa responsabilité, il y a perturbation de la morale publique, les ressorts de l'autorité se relâchent, le désordre commence et ne peut finir que par l'anarchie ou la tyrannie.

De deux choses l'une : ou les reproches qui me sont adressés par M. le président du conseil sont fondés, ou il n?y croit pas lui-même. Dans le premier cas, il y a prévarication et lâcheté à ne m'avoir pas encore destitué, et à m'avoir même annoncé hier que je ne le serais pas ; dans le second cas, que penser de sa franchise et de sa loyauté dont il parle si souvent ?

Eh bien ! je vais au-devant de ses disgrâces en priant le roi, par une supplique que je lui adresse, de vouloir bien accepter ma démission de la préfecture du Rhône.

Il faudrait que je n'eusse pas une goutte de sang généreux dans les veines, pour consentir à faire partie un seul instant de plus d'une pareille administration. J'ai besoin d'ailleurs de toute ma liberté pour répondre à M. le président du conseil et à M. le ministre du commerce. Je vous prie, Monsieur, de m'ouvrir, à cet effet, les colonnes de votre journal. J'en ai pour plus d'un jour.

Agréez, etc.

Bouvier Du Molart.

 

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