L'Echo de la Fabrique : 29 septembre 1833 - Numéro 39

DERNIER PROCÈS DE LA TRIBUNE.

M. lionne, gérant de la TRIBUNE, que la chambre des députés, naguère juge et partie, condamna à trois années de détention et à dix mille francs d?amende, vient de s?entendre condamner de nouveau à CINQ ANNÉES de la même peine et à VINGT-DEUX MILLE FRANCS D?AMENDE.

Il ne nous appartient pas de discuter sur la valeur des articles incriminés ; mais nous devons, et nous nous hâtons de témoigner notre vive sympathie au courageux écrivain que vient d?atteindre une si monstrueuse condamnation, et nos modestes bourses vont s?ouvrir.

Oh ! nous plaignons le pouvoir ; car il nous semble marcher à grand pas vers un effroyable abîme?

Pourquoi donc ce dernier excès de rigueur ? ? N?est-il pas une négation frappante de ces royales promenades, qui partout rencontrent des populations ivres de joie ! d?éclatantes et unanimes acclamations ? MM. les écrivains de la presse bien pensante, ne faites-vous pas comme nous cette réflexion ? ? Ne vaudrait-il pas mieux laisser à ces populations si joyeuses, accueillant si vivement de très puissans et très illustres promeneurs, le soin de faire justice des écarts de cette mauvaise presse ? ? A quoi bon redouter ses coups, si elle frappe en aveugle et si elle est sans échos ? ? Oh ! dites, c?est qu?il y a au fond de tout ceci quelque chose qui vous glace d?épouvante : ? Ce quelque chose, c?est un passé dont le pays a fait justice et que vous avez replâtré pour en faire votre présent ; et que votre présent va bientôt crouler pour faire place à un avenir que vous ne comprenez pas et qui ne saurait être votre ?uvre.

Et vous, HOMMES DE TOUS LES RÉGIMES, qui avez toujours rendu vos jugemens sans haine et sans passion ! ? Vos nuits sont douces et fraîches, n?est-ce pas ? ? Jamais elles ne sont troublées par d?importunes rêveries ? ? Et les cadavres de ces écrivains que vous envoyez pourrir dans de noirs et humides cachots, jamais ne se dressent devant vos yeux ? Oh ! non.

Et vous, MM. du jury ! vous que nous considérions comme notre sauve-garde, comme un rempart contre lequel devait venir se briser toute attaque dirigée contre nos libertés ! Cette condamnation est-elle la juste expression de votre verdict ? Enfin, ne vous surprenez-vous pas à penser quelquefois comme nous, que
La fortune et les flots sont changeans.
Pauvre France ! pauvre humanité ! combien de maux et de tempêtes fermentent encore dans ton sein !

 

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