L'Echo de la Fabrique : 20 octobre 1833 - Numéro 42

Ouvriers menuisiers du faubourg St-Antoine.

Dans ses Nos 3 et 4, le Populaire a rendu compte de leurs discussions avec les maîtres, et notamment de leurs assemblées des 9 et 14 septembre.

Le 30, ils se sont réunis de nouveau au nombre de cent environ, sous la présidence de M. Hoctor, pour entendre le rapport de leur commission. Voici ce qui résulte de ce rapport :

Trente maîtres ont déjà signé le tarif des ouvriers ; beaucoup d’autres refusent de donner leur signature, uniquement par le motif qu’ils n’ont pas assisté aux réunions des maîtres des 5 et 12 ; mais ils reconnaissent la justice de ce tarif et déclarent l’adopter.

Quelques autres refusent aussi, non par un motif d’intérêt, mais par un sentiment de fierté exagérée. Tout fait espérer que la modération des ouvriers finira [5.1]par leur persuader que la distance n’est pas si grande entre eux et ceux-ci.

Plusieurs ouvriers proposent d’organiser une association ayant pour but de placer ceux de ses membres qui se trouvent sans travail, et de donner des secours à ceux qu’elle ne pourrait pas placer. Cette proposition est adoptée : on décide qu’en se faisant inscrire, chaque membre déposera 1 fr. 50 c.

Un grand nombre se font inscrire à l’instant même, la commission est chargée de rédiger un réglement.

On dit que plusieurs maîtres, aveuglés par la passion ou mal instruits de leurs droits, se sont rendus, le 21 septembre, chez le commissaire de police, pour dénoncer la prétendue coalition des ouvriers. On assure aussi que beaucoup de maîtres, quoique vivement sollicités, ont refusé de concourir à cette étrange démarche. On raconte enfin que le commissaire de police aurait répondu à ceux qui lui rendaient visite : « C’est vous qui vous êtes d’abord coalisé contre les ouvriers ; ceux-ci n’ont fait qu’user du droit de légitime défense : le calme et l’ordre qui ont régné dans leurs réunions ne nous ont pas donné l’occasion de les dissoudre. »

Si nous pouvions garantir l’exactitude de ces paroles, nous reconnaîtrions avec plaisir qu’il est encore quelque agent de police qui sait prévenir les désordres par sa modération ou sa justice, au lieu de les exciter par ses violences ou son mépris des lois.

Du reste, cette affaire peut fournir plus d’une leçon : elle prouve aux maîtres ou aux chefs, qu’il est dangereux de trop exiger ou de trop refuser ; elle prouve aux ouvriers que quand on sait défendre ses intérêts et ses droits avec autant de sagesse que d’énergie, on finit quelquefois par faire triompher la justice.

Puissent ces discussions ne laisser, comme nous l’espérons, entre les ouvriers et les maîtres, que des sentimens d’union et de fraternité !

(Populaire.)

 

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