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17 novembre 1833 - Numéro 46
 
 

 



 
 
    
 

C?est une grande erreur de s?en reposer uniquement et entièrement sur la propriété du soin de la gestion des affaires du pays. Il en résulte deux inconvéniens : le premier, c?est que la classe des propriétaires, mue par un sentiment d?égoïsme, d?ailleurs assez naturel, calcule l?intérêt du pays d?après le produit net du sol, en sorte qu?elle est conduite insensiblement à l?augmenter d?une manière artificielle au détriment de la consommation ; le second inconvénient, c?est que cette classe, n?ayant d?intérêt puissant que la conservation, oppose par cela même une force d?inertie au progrès qui cherche à se faire jour.

Cette considération doit naturellement conduire à chercher en dehors de la propriété un nouvel élément qui représente à la fois l?intérêt de la conservation et l?intérêt du progrès. Cet intérêt, c?est l?industrie ; élément vivace et populaire, qui fait cause commune avec la consommation, et qui marche vers le bien-être de la société par la seule harmonie de ses intérêts. L?industrie et la propriété, c?est-à-dire l?intérêt d?action et l?intérêt de conservation, voila les deux élémens du système représentatif.

L?élément industriel a fait depuis deux ans des progrès remarquables dans le système représentatif des nations qui nous avoisinent. En Angleterre, la réforme de la loi électorale lui a procuré une grande influence dans le parlement ; et les nouveaux billets sur la banque, la compagnie des Indes, l?émancipation des noirs, attestent son activité. En Belgique, le système d?élection a également assuré la prédominance à l?élément industriel ; la loi, qui s?agite en ce moment pour empêcher la sortie des lins, et qui aurait pour résultat de faire baisser le revenu net des terres consacrées à cette culture, en est une preuve assez significative ; elle contraste d?une manière frappante avec notre régime douanier qui se propose au contraire de faire hausser le revenu net des propriétés territoriales. On peut juger, d?après cela, combien il est peu logique de faire de la propriété la base unique de notre système représentatif ; et pour peu qu?on observe l?importance que le travail acquiert chaque jour au détriment de la propriété, même dans l?exploitation du sol, on ne pourra nier la nécessité [6.1]d?introduire dans notre système représentatif des modifications analogues à celles qu?éprouve la société, et l?on sera conduit systématiquement à accorder aux travailleurs une importance politique proportionnée à leur importance sociale.

simple calcul.

La consommation annuelle est en France de 8 milliards, provenant des sources ci-après :

Propriété foncière, produit net : 2,000,000,000 f.
Idem Trav. agricole : 2,000,000,000 f.
Travail industriel : 4,000,000,000 f.
Total égal : 8,000,000,000 f.

Ainsi donc, la propriété oisive ne doit compter dans les revenus du pays que pour un quart, et c?est à elle, à elle seule que tous les droits politiques sont inféodés.

D?autre part, il n?y a que 130,000 électeurs payant ensemble tout au plus 50 millions sur 250, c?est-à-dire le cinquième de l?impôt foncier.

Dans un pays où la souveraineté nationale est inscrite en tête de la constitution, la propriété seule est représentée et n?est représentée que pour un cinquième ; or, comme elle n?est elle-même que pour un quart dans les produits généraux, il faut nécessairement en conclure qu?il n?y a de représenté en France que le vingtième des intérêts.

Les dix-neuf autres vingtièmes sont exclus des droits politiques, et cependant ils intéressent les 98 centièmes de la population.

(Bon Sens.)

 

 

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