L'Echo de la Fabrique : 1 décembre 1833 - Numéro 48

Elections départementales.

les propriétaires.

Travailleurs, qui n’héritez que de la misère et de la liberté contestée de travailler 14 heures par jour pour tel ou tel maître, soyez contens, chantez alleluia ! car les gens du tiers, qui ont pris la place des nobles, sont satisfaits et crient que tout est bien, qu’il n’y a plus ni priviléges, ni monopoles, ni castes ; que toutes les routes sont ouvertes à qui veut les parcourir.

Vous avez sous les yeux une preuve de la vérité de ces assertions : voyez si la noblesse fut jamais plus exclusive que la propriété ?

Lyon est une ville essentiellement industrielle, nul ne le niera ; l’industrie, le travail, c’est la vie, l’âme de la cité, et tout le reste en est la conséquence ; chassez de Lyon l’industrie, et l’herbe y croîtra et ses maisons seront désertes. La propriété naît et vit de l’industrie, qui est cause première des richesses.

Ce fait, évident pour tous, une fois admis, ne devrait-on pas croire que la plupart des représentans ou administrateurs de Lyon sont ou doivent être des industriels ? Eh bien ! c’est le contraire. La propriété domine et règne partout. Jadis, pour admettre un homme aux emplois, on demandait s’il était , c’est-à-dire noble, aujourd’hui ou demande s’il est propriétaire.

Jadis on mesurait la considération à l’origine ; aujourd’hui aux contributions. On avait tout dit lorsqu’on pouvait remonter aux Croisades ou aux guerres civiles. On a tout dit, on est propre à tout lorsqu’on a pignon sur rue, et que l’on paie assez pour être éligible. En vérité, l’un n’était pas plus absurde que l’autre.

Les élections pour le conseil général viennent d’avoir lieu1 ; Lyon a élu six membres. Vous croyez que cinq, au moins quatre sont des industriels ? Non, sur six [3.1]nous avons un industriel, deux médecins-propriétaires et trois propriétaires purs.

Mais voyez jusqu’où les nobles du jour pousse le rigorisme ; leur maire, leur homme, certes, et nous devons le dire, de beaucoup le plus capable d’entr’eux tous, a été ballotté deux jours ; il ne s’en est fallu que de quelques voix qu’il n’échouât. Savez-vous pourquoi ? C’est qu’il n’est pas propriétaire à Lyon même.

Et que nous montions vers la chambre des députés, ou que nous descendions aux conseils municipaux, nous trouvons toujours la propriété exclusive de la capacité, plus que la noblesse ne l’était de la roture.

Une pareille organisation peut-elle durer ? Non, car elle entrave la marche et le développement de la puissance du siècle, de l’industrie.

Notes de base de page numériques:

1. Le principe électif appliqué aux assemblées délibérantes des départements avait été conquis en septembre 1789, puis perdu en février 1800 (les membres étant dès lors nommés par le gouvernement). En 1833, le système avait encore changé, les membres de ces assemblées étant désormais élus au suffrage censitaire.

 

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