L'Echo de la Fabrique : 22 décembre 1833 - Numéro 51

De la réélection partielle

du conseil des prud’hommes.

Voici venir l’époque de la réélection partielle des prud’hommes chefs d’atelier, époque où vont se dessiner au grand jour les opinions qu’aura fait naître dans l’esprit de leurs commettans la conduite de ces mandataires dans l’exercice de leurs fonctions. Soumis au sort d’une élection nouvelle, les prud’hommes sortant y trouveront la mesure certaine des sentimens de louange ou de blâme qu’ils auront méritée.

Qu’on y réfléchisse. C’est une importante affaire que l’élection de nos juges ; soyons tous là. Que nos votes soient la manifestation de nos devoirs et de nos principes judiciaires ; point d’indécision ; laissons de côté toute influence de camaraderie, d’affections personnelles, d’estime, de parenté même ; soyons tout entier aux principes que nous voulons gagner ; que nos élus en soient les fidèles représentans.

jurisprudence écrite et libre défense, voila le drapeau, ne nous en éloignons pas et confions-le à des mains qui aient vouloir et devoir de le planter sur l’autel de notre justice ouvrière. Faisons choix des mieux placés pour toucher le but.1

Il fut un temps où, inconnus l’un à l’autre, nous approchions de l’urne électorale avec des inspirations individuelles, sans système combiné arrêté d’avance entre nous. Presque au hasard, nos suffrages, dictés par des sentimens isolés et divers, comme nos façons de voir et de sentir, s’entassaient sans but fixé, sans [1.2]détermination prise ; chacun se laissait aller à sa conscience privée, consultant à peine quelques amis ; mais aucune idée commune, nulle conscience de nos droits et des résultats à atteindre ne présidait à nos choix ; des habitudes d’ensemble, des rapports fréquens, des communications multipliées, des discussions instructives n’avaient point encore assez indiqué l’unité de but et de sentiment parmi nous ; aussi nos élus, feignant d’ignorer la volonté générale, sont montés sur leurs sièges avec l’intention tacite de se décider uniquement par l’inspiration de ce qu’ils ont appelé leur conscience, et que nous pourrions, nous, preuves en mains, qualifier d’une autre manière.

Cette fois, parlons aux comices un esprit décidé par des méditations préparatoires. Grâce aux associations, nous avons pu nous voir, nous connaître ; nous avons sondé les vices de notre justice ; nous avons mis en commun nos idées, nos raisons, nos pensées de réforme ; notre opinion à tous est formée, fixée, notre conscience commune est éclairée, nous voulons tous libre défense et jurisprudence écrite ; nous l’aurons ! Que l’association donne à nos opérations électorales l’ensemble et l’unité nécessaires ; que nos affections et nos volontés individuelles se viennent confondre et perdre dans la volonté générale que le nom des élus soit à la fois la proclamation de nos vœux et la garantie de la réalisation prochaine de nos espérances !

Disons bien à nos concitoyens qu’ils mériteraient le plus grand blâme s’ils n’usaient pas de toute l’influence de leur mandat pour vaincre de funestes résistances ; disons-leur bien qu’ils ont mission de doter notre cité d’une jurisprudence écrite et d’une libre défense ; qu’ils doivent compte à l’opinion qui les nomme des soins qu’ils auront apportés pour accomplir cette noble mission ; qu’ils doivent rapporter du moins la preuve des combats rendus pour vaincre les obstacles ; que le peuple ouvrier, associé derrière eux, se tient debout comme un seul homme applaudissant à leurs efforts, les attendant au bout de la carrière pour couronner leur par l’estime et la reconnaissance. Cette couronne en vaut bien une autre pour des cœurs généreux.

B......

Notes de base de page numériques:

1. On constate ici que l’engagement en faveur des coalitions ne conduit pas au recul des revendications antérieures concernant les prud’hommes. Les deux revendications principales des chefs d’atelier, jurisprudence fixe et libre défense, resurgissent donc intactes en cette période de réélection.

 

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