L'Echo de la Fabrique : 22 décembre 1833 - Numéro 51

POÉSIE.
L’impôt du Prolétaire.

Prolétaire, parlons d’impôts :
C’est le ver qui, vivant, te ronge ;
Sans le budget et ses suppôts,
Ta misère serait un songe.
Parle, apprends nous, homme de rien,
Si tes maîtres, que rien n’éclaire,
A tes maux mesurent leur bien :
Quel est l’impôt du prolétaire ?

D’un doigt de vin va-t-il noyer
Maux d’atelier, maux de caserne,
Mille maux qu’il faut oublier :
L’impôt le guette à la taverne.
Le rat de cave à chaque instant
Jauge tonneau, bouteille, verre ;
Tant pour le vin, pour le droit tant :
Voila l’impôt du prolétaire.

Puis sur ses pas le gabelou,
Chaque jour au sein du ménage
Sur le sel lui réclame un sou,
Sur la pipe encor davantage.
Le percepteur, autre fléau,
Taxe les trous de sa chaumière
Comme les balcons du château !
Voila l’impôt du prolétaire.

Mais il est un impôt plus lourd,
Un impôt levé sur la peine
Par le riche, devenu sourd
A des maux dont il tient la chaîne.
« Pauvre, debout ! voici ta loi :
Travaille ; mais sur le salaire
Je me réserve un lucre, moi ! »
Voila l’impôt du prolétaire.

Le jour viendra, jour d’équité,
Où doit luire enfin sur la France
Ce soleil de la liberté
Qui calmera tant de souffrance.
Mais jusque-là, faiseurs de lois,
Songez au peuple, à sa misère…
De votre joug il sent le poids :
Craignez le bras du prolétaire !

N. de N.

 

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