L'Echo de la Fabrique : 9 mars 1834 - Numéro 62

 

Nous lisons les quelques lignes qui suivent dans l’Impartial de Besançon, qui, vu l’indépendance de caractère dont quelques-uns des rédacteurs de cette feuille ont fait preuve en plusieurs circonstances, aurait pu, selon nous, se dispenser d’entreprendre la tâche grande de justifier la politique du Journal des Débats et de l’appeler conservatrice. – Nous ne voyons pas non plus qu’il y ait justice à eux de juger par anticipation celle du National de 1834, parce que nous ne saurions croire que l’on puisse juger autre chose que des actes.

S’il nous était permis de parler politique, nous ne nous contenterions pas de jeter aussi mesquinement notre pensée. Mais le procureur du roi est là qui nous guette, et serait bien aise de nous happer ! – Nous pensons, néanmoins, que les rédacteurs de l’Impartial nous auront compris, à moins qu’ils n’aient les yeux fermés sur ce qui se passe autour d’eux, ce que nous n’osons ni ne voulons croire ; et, en vérité, nous ne pensons pas pouvoir mieux renverser leurs argumens en faveur du Journal des Débats, qu’en faisant suivre les quelques lignes que nous leur empruntons d’un petit article que nous avons lu dans un autre journal de leur ville, le Patriote Franc-Comtois, et qui résume assez bien l’état déplorable et alarmant dans lequel se trouve le pays :

« L’insuffisance de toutes les politiques, quelle que soit leur couleur, contre l’état de malaise de la société, est une chose bien manifeste. Mais à part toute prédilection de sympathie, et ce n’est point à des sympathies aveugles, fruits des préjugés le plus souvent, qu’il faut s’en rapporter pour juger les questions politiques, pas plus que toutes autres questions de science, car c’est pour nous une question de science que celle de savoir ce qui est bon ou mauvais pour la société ; toute sympathie à part, disons-nous, la politique conservatrice du Journal des Débats vaut cent fois mieux, à notre avis, que la politique révolutionnaire du National. Elle est infiniment plus conforme aux intérêts généraux, à l’intérêt du pauvre comme à celui du riche ; elle est plus favorable à toutes les réformes que réclame l’ordre industriel, le seul qui soit à réformer immédiatement, le seul par lequel il soit possible de commencer les réformes salutaires. »
(Impartial de Besançon du 27.)

« Quel spectacle présente aujourd’hui la France ! Trente mille hommes se concentrent dans ce moment autour de Lyon ; soixante mille sont cantonnés autour de Paris. Marseille, Nîmes et Grenoble, sont tenus sous l’épée, et l’on va discuter à la chambre la création de légions de gendarmes, où les brigadiers seront procureurs du roi, pour fortifier les 50,000 hommes qui observent l’Ouest. Dans Paris, des nuées de sergens de ville, qui ne peuvent suffire au service qu’on exige d’eux, en sorte que la police est obligée de fermer les théâtres à onze heures, pour laisser respirer ses agens ; les prisons remplies, les parquets encombrés de procès politiques, les outrages, les duels, les passions aux prises partout, la haine, la vengeance ou la peur au fond de tous les cœurs ; voila la société telle que la révolution nous l’a faite ; voila ce qu’on appelle l’ordre de choses. »
(Patriote Franc-Comtois.)

 

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