L'Echo de la Fabrique : 23 mars 1834 - Numéro 64

 ENCORE DU COURRIER DE LYON.

Le Courrier de Lyon à qui nous avions demandé, au nom de l?Association des Mutuellistes, l?insertion de leur réponse à la lettre de M. Charles dupin, avait tout d?abord promis à ses lecteurs de leur en faire connaître l?esprit et les conclusions, et ceci, sans doute, par excès d?impartialité, car nous nous serions volontiers contenté, nous, du fruit qu?ils eussent tiré de cette réponse, même sans le savoir et l?interprétation des très hauts et très puissans rédacteurs du Courrier.

Mais voila que ces Messieurs, au moins aussi oublieux que leur patron, ne songeaient plus à leur promesse que nous croyons leur avoir rappelée dans notre dernier numéro. Des hommes, qui font métier d?imposture, nous diront peut-être demain que nous sommes beaucoup trop présomptueux ; que le Courrier de Lyon ne répond pas à l?Echo de la Fabrique ; eh bien ! soit, nous y tenons fort peu.

Vous croyez peut-être, lecteurs, qu?ils ont enfin tenu leur parole, et qu?ils ont parlé esprit et conclusions ? non ; en habiles logiciens, ils ont commencé par poser cette thèse savantei :

Est-ce l?Echo de la Fabrique qui répond, ou bien est-ce l?association des Mutuellistesii ? c?est-à-dire est-ce bonnet blanc ou blanc bonnet ?

[1.2]Puis, prônant de nouveau le savant académicien, c?est de son langage calme, simple et grave qu?ils parlent, de sa compétence en industrie, de son impartialité au milieu de ce débat entre fabricans et chefs d?atelier, aussi de sa conscience, voire même de son amour pour les travailleurs, premier point du panégyrique. ? Puis, jetant dans leurs respectables colonnes, en forme d?esprit et de conclusions, quelques morceaux isolés de la réponse des Mutuellistes à l?excellente lettre de M. Dupin, ils somment leurs lecteurs de se prononcer sur la logique de l?auteur, et posent en fait que les premiers principes de la science industrielle et le professeur des ouvriers ont été insultés par cette grossière déclamation.

Voila des conclusions, mais bien fin vraiment qui y trouvera celles promises par le Courrier. ? Pour nous, nous croyons que ses lecteurs se seront demandés, sans y rien comprendre, où étaient la grossièreté et les insultes que cette lettre vomissait contre M. dupin, et ce n?est pas aux rédacteurs de ce journal que nous donnerons jamais notre conscience à juger ; car, pour cela faire, il en faut une à soi et ne pas la vendre.

Plus loin, MM. du Courrier demandent au secrétaire officieux comment a été atteint le double but de l?association, à qui a nui la protestation des Mutuellistes, et qui a perdu dans cette semaine qu?il appelle la semaine des dupes ? Eh bien ! nous allons essayer de lui répondre.

Si ce but n?a pas été rempli en ce qui concerne la question des salaires, ce qui, du reste, n?est qu?une affaire de temps plus ou moins opportun, que le Courrier a pour le moins sentie aussi bien que nous, huit jours d?interruption dans les fonctions de notre machine industrielle ont assez clairement prouvé qu?il serait au pouvoir des travailleurs de compromettre, quand leurs intérêts le commanderaient, les entreprises des chefs d?industries, c?est-à-dire capitalistes ; et dès-lors il demeure prouvé, en dépit des efforts que font ces messieurs pour conjurer l?avenir, qu?il faut intéresser à l?action sociale le travail de même que le capital ; et un temps qu?il ne nous convient en aucune façon de déterminer, apprendra, sans nul doute, à qui doit profiter la leçon que les ouvriers ont payé 1,500 mille francs, les fabricans trois millions. ? Nous ne croyons pas devoir traiter de ce qu?il plaît en outre à ces messieurs [2.1]d?appeler l?impuissance de l?association de toutes manières, les événemens ont parlé haut pour que tous soient éclairés, et quand le Courrier avance que cette mesure a soulevé les Ferrandiniers contre les Mutuellistes, il sait bien qu?il ment avec une rare effronterie. Il est peut-être bien de lui rappeler ici que malgré les prétendus torts de l?association, les différens corps de métiers étaient prêts à appuyer de leurs concours la mesure qu?elle avait prise, comme celle-ci leur prêtera toujours son appui ; car si, comme l?a dit certain écrivain, et nous le croyons, les riches veulent mollement la réforme industrielle, et que le peuple doit dans ce cas faire seul ses affaires, les travailleurs de toutes les industries savent aujourd?hui qu?ils n?arriveront à leur but qu?en mettant leurs efforts en commun.

Enfin, le Courrier de Lyon termine, ce qu?il appelle ingénument ses conclusions, en se demandant et aussi sans doute à ses lecteurs, si la réponse de l?honnête secrétaire de l?association se recommande comme celle du député professeur par une connaissance approfondie des droits et des intérêts des travailleurs ?

Les lecteurs de ce journal comprendront sans doute que cette question, appuyée seulement de quelques fragmens de cette réponse, est une mystification ; et en ce qui concerne cette feuille, ses rédacteurs prouvent, même dans ce cas, qu?ils ne sont pas plus aptes à apprécier la logique de cette réponse, qu?à en donner l?esprit et les conclusions, que nous attendons encore. Mais nous devons pourtant, faute de mieux, faire savoir à ceux que cela peut intéresser, qu?il en donne une toute petite. ? La réponse est un pamphlet !!!

Enfin, et sans doute pour répondre à la note qu?à ce sujet nous avions publiée dans notre dernier numéro, MM. du Courrier disent, avec cette finesse qui leur est particulière, que l?Echo de la Fabrique sait bien pourquoi ils ne répondent pas à ses plates injures, que le public s?en doute, et que ce n?est pas leur faute s?ils font des distinctions parmi leurs adversaires, et somme toute, que le Courrier de Lyon a de sots ennemis !

Nous les supplions de croire que nous n?attendons pas d?eux nos certificats d?honorables citoyens, et que nous nous soucions très peu de leurs distinctions, voir même de leur impartialité, et encore moins de nous déclarer leurs ennemis : pour que nous le fussions, il nous faudrait de la haine, ils valent tout au plus le mépris.

Notes de fin littérales:

iCourrier de LyonCourrier de Lyon, 17 mars.
ii. Ici le CourrierCourrier de Lyon dit des ouvriers mutuellistes. Nous protestons d?abord contre cette qualification, non qu?elle soit injurieuse pour les membres de cette association, mais parce qu?elle renferme une intention, que nous saisissons parfaitement, bien que nous n?écrivions pas aussi souvent et d?aussi longues pages que les rédacteurs de cette feuille, et sur laquelle nous reviendrons.

 

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