L'Echo de la Fabrique : 18 décembre 1833 - Numéro 14

Gâchis Continué.

M. le Préfet, assez sage pour n’avoir pas de volonté immuable, est revenu sur son arrêté. Les électeurs de la section de M. Dumas peuvent donc se tenir tranquilles ; et c’est une bonne fortune pour l’autorité qui avait déja le cauchemar d’entendre circuler le nom de M. Falconnet, cet ancien gérant de l’Echo de la Fabrique, dont l’éloge serait trop suspect dans notre bouche ; celui de M. Berger, qui a eu l’incongruité de refuser serment de fidélité au roi, et dont il ne nous appartient pas davantage de dire tout le bien qu’il mérite…

Ceux de la section de M. Verrat peuvent aussi se reposer. Que l’autorité soit encore tranquille ; le nom de M. Bouvery lui était apparu comme un épouvantail, réminiscence d’octobre et du tarif. Elle ne subira pas encore ce candidat nécessaire.

Mais triomphe plus insigne encore !

Les électeurs de la section de M. Labory, membre sortant désigné par le sort, ne doivent pas bouger de chez eux : telle est la décision de M. le préfet. Il consent bien que Mrs Dumas et Verrat demeurent, mais il ne veut pas que M. Labory sorte ; et en effet, mettez-vous à sa place. Comment se défendre d’un sentiment de pitié, à la vue de ce pauvre Labory, si plaisant au conseil, si aimable, si facile dans les tête-à-tête de l’arbitrage avec ses collègues-négocians ; si fashionable aux bals de M. le préfet ; enfin, si ami de la maison !… et non réeligible. Tout autre qu’un préfet eût été embarrassé ; ah ! bien oui ! Ceux qui ont remplacé le tarif par la mercuriale, et la mercuriale par rien du tout, ne sont pas gens à s’interloquer pour si peu. Aussi, de son autorité privée, M. le préfet élimine M. Labory du nombre des sortans, cela ne coûte que quelques considérans ; il y a double avantage dans cette manière de procéder : d’abord, on donne un soufflet aux ouvriers ; au conseil des prud’hommes, on fait de la force, ce qui n’est pas à dédaigner ; ensuite, et c’est le grand point, on conserve M. Labory, c’est un si bon enfant… Voila ce que c’est que de savoir danser, on apprend à faire des courbettes ; et quand on sait faire des courbettes, eh bien ! on est prud’homme.

On remplacera M. Charnier. S’il n’est pas bien en cour, il l’a voulu… On trouvera du moins, on l’espère, quelqu’un bien nul qui accepte, sans mot dire, la prescription d’un mois si commode pour le règlement des écritures de commerce, et n’ait pas sans cesse à la bouche ces mots libre défense dont il a fait son delenda Carthago.

Quant à M. Martinon, il était colère, mais facile à apaiser. Son remplaçant est tout trouvé, c’est notre ami Bernard. Il n’attend, dit-on, que sa nomination aux fonctions de prud’homme pour cesser la gérance de l’Echo de la Fabrique.

Quittons le ton de la plaisanterie, et demandons sérieusement qui l’on veut tromper par cette comédie. Si M. Labory a souci de l’estime de ses concitoyens, il se hâtera de donner sa démission, et sortira par-là M. le préfet d’un très mauvais pas ; car, nous savons qu’une protestation se prépare en ce moment. L’orage gronde, il faut prévenir son explosion. Entendez-vous, Messieurs ?

 

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