L'Echo de la Fabrique : 21 décembre 1833 - Numéro 15

Au Rédacteur.

[3.1]Monsieur,

Après avoir traduit M. brisson, prud’homme, à la barre du conseil dont il fait partie nous croyons utile de le traduire à celle de l’opinion publique, suivant l’usage que les travailleurs ont adopté. Nous le devons d’autant plus, que la qualité de M. Brisson le rend plus coupable qu’un autre. Nous avons à cœur de justifier ce que M. Martin, l’un de nous, a dit à l’audience que la concurrence étrangère était au griffon. Voici les faits : M. Paul eymard a monté une certaine quantité de courans en cinq chemins, au prix de 1 fr., qu’il a loyalement marqué sur les livres des maîtres. M. Brisson a eu la fantaisie de monter le même article, mais il a eu le soin de ne marquer aucun prix sur les livres des maîtres qui se sont adressés à lui. Sur les réclamations de ceux-ci, il leur a dit qu’il ne voulait payer que 85 c. Cette diminution arbitraire n’a pas pu être acceptée ; mais, en outre, qu’est-il arrivé ? M. Paul Eymard, sentant bien qu’il ne pourrait soutenir la concurrence avec M. Brisson, si ce dernier était autorisé à payer quinze centimes, par aune, de moins que lui, a cessé cet article. M. Martin a fait appeler M. Brisson pour l’audience de lundi dernier ; la cause a été renvoyée en conciliation au lendemain par-devant MM. Bender et Labory. Nous sommes fâchés de faire entendre des plaintes contre ces deux Messieurs ; mais ils n’ont pas rempli leur devoir : aucun rapport n’a été déposé par eux ; aussi, M. le président a-t-il renvoyé la cause à huitaine. M. Labory, à qui nous venons de nous plaindre, nous a répondu qu’il s’était contenté de faire un rapport verbal à M. Riboud son collègue ; M. Bender n’ayant pas été d’accord avec lui ; et que s’il ne l’avait pas fait par écrit, c’est qu’en ayant déjà donné plusieurs écrits, M. le président n’y avait pas fait attention. Nous lui avons répondu, et vous serez sans doute de notre avis, qu’il devait toujours faire son devoir, et qu’alors nous nous serions plaints du président, et non de lui. Vous sentez en effet, Monsieur, combien un renvoi nous est préjudiciable : indépendamment de la perte de notre temps, nous sommes exposés à une perte pécuniaire, car nous ne pouvons faire travailler nos ouvriers qu’au prix de 1 fr., et si, par hasard, le conseil venait à allouer un prix moindre, nous serions en perte de tout l’excédent.

Enfin, Monsieur, et pour prouver de plus en plus ce que c’est que la concurrence coupable que la cupidité de quelques négocians suscite à leurs confrères, nous vous dirons que nous sommes certains que M. Brisson cessera l’article, s’il est condamné à le payer 1 fr., et M. Paul Eymard le reprendra. M. Brisson a donc spéculé sur la main-d’œuvre ? Tous les négocians honnêtes doivent se réunir à nous pour blâmer cette conduite.

Agréez, etc.

Martin, Fab., rue du Chariot-d’Or, n. 10.
Vachet, Fab., rue Masson, n. 21.

 

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