L'Echo de la Fabrique : 29 janvier 1834 - Numéro 26

COMPARAISON.i

Supposons deux familles, ayant chacune 4 ou 5 enfans ; la première jouit de 10 à 12 mille francs de revenu ; la seconde vit de son travail, et ne gagne par conséquent que 5 à 6 fr. par jour.

La première aura sa maison de campagne, où elle passera 6 mois de l’année, et échappera par conséquent à six mois d’octroi : voila déjà 50 pour cent en faveur de la première, puisque la seconde passe ses 12 mois à la ville.

Mais pendant les 6 mois que la famille riche passe à Lyon, les choses sont-elles égales ? Attendez et vous en jugerez : l’ouvrier, s’il a beaucoup d’ordre et d’économie, pourra acheter son vin par pièce, il le paiera 44 francs et acquittera un droit d’entrée de 22 francs, c’est-à-dire, de 50 pour cent de la valeur ; le riche boira du vin vieux qui lui coûtera cent francs, et paiera 22 francs d’entrée, c’est-à-dire, 22 pour cent de la valeur.

L’ouvrier ne pourra faire manger à sa famille que de la viande de boucherie ou de la viande de porc : ces objets paient une forte taxe. Le riche mangera des volailles, du gibier, du poisson ; et la législature n’a pas voulu que ces objets payassent aucun droit !! Si l’ouvrier veut sortir de la ville, soit pour ses affaires, soit pour faire prendre l’air à sa famille, il montera dans une voiture publique et payera en sus du prix de la place une somme quelconque pour le fisc. Le riche passera dans sa voiture exempte de taxe.

Si, en rentrant, la femme de l’ouvrier porte au bras un panier, ne fût-il pas plus gros que le poing, il sera impitoyablement ouvert et fouillé à la barrière ; le riche passera au même instant avec sa voiture chargée de paniers, et on ne lui demandera pas même s’il a quelque chose à déclarer.

Nous ne prétendons pas dire ici que celui qui a une voiture à lui, fait nécessairement la fraude, mais nous pouvons demander pourquoi cette surabondance de vexations pour les uns et cette indulgence pour les autres ? Est-ce là ce qu’on appelle de la justice et de l’égalité devant la loi ? Nous pourrions pousser beaucoup plus loin nos comparaisons, mais à quoi bon, il n’y a pas un de nos lecteurs qui n’en sache autant que nous sur ce chapitre. Nous avons voulu démontrer que ceux qui trouvent le statu quo excellent ont d’excellentes raisons pour en agir ainsi. Ils savent fort bien qu’ils ne paient point à l’État ce qu’ils doivent ; et comme il faut nécessairement à celui-ci un énorme budget, si l’on prenait moins dans la poche du pauvre, il faudrait forcément qu’on puisât davantage dans la leur.

Notes de fin littérales:

i. Ces réflexions sont extraites d’un article de M. Anselme PetetinPetetin Anselme, inséré dans le PrécurseurLe Précurseur (n° 2169, 21 décembre 183321 décembre 1833) ; nous avons cru utile de les reproduire pour faire sentir de plus en plus combien la loi fiscale est injuste à l’égard de la classe laborieuse.

 

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