L'Echo de la Fabrique : 8 février 1834 - Numéro 29

CONSEIL DES PRUD?HOMMES.

Président, M. Riboud (6 février).

Cocq, négociant, réclame à Poulet, fabricant, une indemnité : 1° attendu qu?il a mis trop de temps pour monter son métier (châle au quart) ; 2° pour avoir mis 14 jours à fabriquer le second châle, lequel devait l?être en 4 jours. Le conseil, considérant que Cocq n?a pas mis en demeure Poulet lors du montage du métier, le déboute de sa demande en indemnité, sur la première question, et sur la seconde, attendu que Poulet a mis dix jours de plus qu?il ne devait pour fabriquer son second châle, la journée étant réglée à 10,000 passées, le condamne à payer à Cocq 50 fr. d?indemnitéi.

Lorsqu?un chef d?atelier quitte la commune qu?il habite pour aller demeurer dans une autre, peut-il emmener ses apprentis ? Non.

Ainsi jugé entre la demoiselle Chambry, fabricante, et demoiselle Nalet, apprentie.

Lyonnet, fabricant, réclame à Savoie, négociant, un défraiement pour un montage de métier : la cause avait déjà été jugée, le 23 janvier dernier, contre Lyonnet. Ce dernier demande la révision de ce jugement comme étant fondée sur une erreur de fait matérielle, ce qu?il établit par la production d?un certificat de M. Léon Favre, négociant, et par une nouvelle enquête faite en sa faveur.

Le conseil confirme son précédent jugement sans vouloir écouter ses moyens de défense, et en lui disant d?aller au tribunal de commerceii.

Buisson, Tabard, négocians, successeurs de Bourgeois et Ce, réclament à Montagny, fabricant, un solde de 72 fr. 70 c. en argent et 1 030 grammes de soie gros noir. ? Montagny dit ne rien devoir, qu?il a réglé ses comptes il y a près d?un an avec M. Bourgeois, et qu?il n?a pas cru utile de conserver son livre.

Attendu que Montagny ne peut reproduire son livre, [3.2]qu?il dit avoir déchiré, attendu que celui des sieurs Buisson et Tabard a été vérifié en présence des parties, par des membres du conseil, le conseil condamne Montagny à payer à Buisson et Tabard la somme de 72 fr. 70 c. pour solde d?argent, et celle de 41 fr. 20 c.iii pour solde de soie à raison de 4 c. le gramme.

Guicher, Servoz, négocians, demandent que Goutel, fabricant, finisse une pièce qu?ils lui ont confiée depuis long-temps, et dont l?aunage est de 60 aunes : il y aurait environ 10 aunes de fait. Ils prétendent qu?il peut se faire 3 aunes par jour, et demandent qu?on la leur rende à raison d?une aune 3/4. Goutel dit qu?il ne peut promettre de faire cette aunage chaque jour, parce qu?il est obligé de faire lui-même les cannettes de ses métiers et autres ouvrages domestiques ; que depuis qu?il a la pièce, on n?a pas voulu lui marquer le prix qui se paye dans les autres fabriques, ce qui lui a empêché d?avoir un ouvrier.

Le conseil décide que la pièce sera faite à raison de deux aunes par jour, et le prix sera réglé à la fin de la pièce par le conseil.iv

Notes de fin littérales:

i. Nous ne savons pourquoi une indemnité a été accordée à CoqCoq, car il est impossible qu?un second schall se fasse aussi habilement qu?un 4e ou 5e. Du reste il faut quatre jours à un ouvrier pour le faire ; mais tous les ouvriers n?ont pas la même habileté. Dans le nombre de 14 jours employés par PouletPoulet, il y a eu 2 dimanches, ce qui réduit à 8 au lieu de dix les journées excédant celles nécessaires. Il y a donc préjudice de 10 f. à PouletPoulet, en admettant même comme fondée la décision du conseil. Nous croyons que le conseil aurait jugé différemment s?il eût été libre à PouletPoulet de se faire assister d?un défenseur, car il s?est à peine défendu.
ii. Nous ferons observer que la loi veut que les enquêtes soient faites en présence des parties où dûment appelées ; on en sent la raison. Dès-lors l?enquête à laquelle MM. BenderBender et DumasDumas ont procédé en l?absence de LyonnetLyonnet, est complètement nulle, et le tribunal ne pouvait baser sur elle un jugement ; il devait donc se conformer à l?art. 541 du code de procédure civile, qui permet aux parties de former demande devant les mêmes juges lorsqu?il y a eu erreur? Renvoyer LyonnetLyonnet devant le tribunal de commerce lorsque sa demande n?excède pas 36 fr., c?est une dérision que des hommes graves ne devraient pas se permettre.
iii. Le conseil veut que les fabricans gardent leurs livres cinq années après qu?ils sont réglés. D?après quelle loi une personne qui n?est pas commerçante peut-elle être obligée de garder ses livres ? ? Vraiment le conseil a une drôle manière de juger.
iv. Nous croyons que le conseil aurait pu décider le prix de la façon, ce qui aurait permis à GoutelGoutel de trouver un ouvrier, ces derniers ne commençant jamais à travailler sans connaître le prix de la façon qui doit leur être payée. Il y a mieux : le négociant demandait une aune 3|4, et le conseil alloue 2 aunes : c?est un peu fort. Où a-t-il pris qu?un tribunal pouvait accorder plus qu?il n?était demandé ?

 

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