L'Echo de la Fabrique : 21 septembre 1834 - Numéro 1

AUX AMIS DU PEUPLE et de la JUSTICE1.

[1.1]La publicité a toujours été l’effroi de l’oppresseur, l’arme de l’équité, la garantie du faible.

Si tous les hommes étaient justes, elle n’aurait nulle importance.

C’est au peuple que l’Imprimerie offre le plus d’utilité ; c’est le peuple qui a, seul, de fréquens motifs pour crier : A l’Infamie !

Et que deviendraient ses plaintes et ses cris si ils ne pouvaient se reproduire ? Que deviendraient-ils si l’écho ne les répétait ? Qui les entendrait ?…

La publicité, par l’imprimerie, ne procure pas, au peuple, toute la félicité à laquelle il a le droit de prétendre ; mais elle lui en assure une partie, alors encore quelle lui laisse apercevoir le terme où il obtiendra le complément.

« Le peuple veut-il le régne de l’équité ? Le peuple a-t-il l’intention, fortement prononcée, de faire prévaloir, aussitôt que possible, ses droits qu’il réclame ? »

« Il faut, pour arriver à ce but, qu’il s’habitue a tout ce qui est justice, raison, vérité, probité, humanité ; il faut que ceux qui méconnaissent sa position, ses besoins, ses souffrances, ses misêres, puissent en entendre fréquemment la révélation : il faut cela, tout cela ! »

Ce langage est celui d’un homme qui considère le peuple pour ce qu’il est ; qui apprécie les hommes pour ce qu’ils sont : des frères !

[1.2]Ce langage, que l’on nous a fait entendre, nous l’avons compris, nous tous, ouvriers, hommes du peuple, hommes utils à la Société, hommes indispensables à l’association générale au milieu de laquelle nous sommes placés, et dont nous faisons partie.

Lorsque nous l’avons entendu, un cri général s’est élevé : VOILA NOTRE PENSÉE !

Aussi nombreux que nous étions, nous avons adopté, à l’instant même, une résolution unanime :

Publions les misères du peuple ; publions aussi les principes de raison et d’équité qui contribueront a diminuer le mal ; la providence nous guide : elle nous aidera.

ESPÉRONS !!!!

Devant nous se présente chaque jour, il est vrai, et l’intrigue plus basse et plus vile encore, qu’elle ne fut jamais ; et l’ambition plus insatiable que les plus célèbres moralistes n’ont sû la dépeindre, lorsqu’ils ont voulu transmettre à la postérité les crimes dont elle était coupable ; et la délation organisée… monstruosité !…

Ces vices sont plus puissans, mille fois, qu’ils ne furent jamais ; tant mieux : leur règne touche à sa fin.

Les maux qu’ils causent sont trop grands pour qu’ils ne commandent pas le combat à quelques écrivains sublimes ; à quelques-uns de ces génies que l’humanité inspire. Vaincus ils rentreront dans le néant et les peuples seront heureux.

[2.1]Peut-être ! dira-t-on…

Quoi ! Que pourraient encore redouter les peuples ?… Nous croyons comprendre… L’ingratitude ?… Ce vice qui a des autels dans nos cités ? Ce vice hideux, affreux, armé de sophismes et de poignards ? Vaine frayeur !

Il n’a, et ne peut avoir, d’auxiliaires que l’intrigue et l’ambition, et le jour où l’humanité viendra régner parmi nous, sera le terme de leur puissance.

Couverts de honte et d’opprobre, leurs partisans seront à jamais désarmés ; l’obscurité, voila leur lot.

Courage, donc !

Pour discourir sur la politique, il nous faudrait huit mille francs, que nous n’avons pas. Puis, que dirions-nous ? Nous ne saurions où trouver un Armand-Carrelqui voulut guider notre inexpérience.

Adoptons une tàche plus facile. Ici, autant qu’ailleurs, au moins, le sujet ne saurait tarir pour qui veut attaquerre l’arbitraire, la cupidité ; pour qui veut appeler la bienveillance au secours de la misère.

Point d’exclusions : c’est notre mot d’ordre.

Nos colonnes seront à la disposition de tous les hommes, partisans de la justice, à quelques professions et à quelques classes qu’ils appartiennent.

Partout, où sera l’iniquité, nous la combattrons.

Puissions-nous jetter l’alarme au camp, et le faire déserter !

Qui nous secondera ?

Notre tâche sera facile, sans doute, sous ce rapport que nous aurons beaucoup à dire ; mais le succès serait plus prompt et plus grand si le mérite nous prêtait son appui : qui donc nous secondera ?

Il nous semble entendre cent mille voix prononcer : MOI !…

Et pourquoi manquerions-nous d’appui ?

N’existe-t-il pas des hommes qui ont de l’ame pour ceux qui n’en ont pas ?

Si l’égoïsme, si la cupidité ont un refuge ; nous, nous saurons frapper, et nous faire entendre là où résident la probité, l’équité, l’humanité :… Courage !…

Honneur, mille fois honneur ! à celui qui nous secondera. Il saura comprendre la loi que la nature impose à l’homme ; il obéira à sa conscience : il plaidera contre le vice.

Ce n’est pas une mission que nous allons remplir : c’est un devoir !

Notes de base de page numériques:

1 Cinq mois après l’insurrection d’avril 1834, L’Indicateur. Journal industriel de Lyon reprenait le projet de L’Echo de la fabrique. Moins durement frappés que les républicains de la Société des droits de l’Homme trainés devant la Cour des Pairs et alors en attente du « Procès monstre », les mutuellistes étaient cependant sous contrôle étroit, leur organisation interdite. La difficile reparution de L’Indicateur, qui sera donc l’organe de ce mutuellisme postérieur à avril 1834, est toutefois significative d’une recomposition en cours. Pendant quelques semaines, le journal sera dirigé par Eugène Dufaitelle, un républicain transfuge de La Glaneuse, auteur en 1832 de la brochure Les doctrines républicaines absoutes par le jury lyonnais. Dufaitelle prendra par la suite la direction du journal La Mosaïque lyonnaise.

 

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