L'Echo de la Fabrique : 28 septembre 1834 - Numéro 2

EXPOSITION PUBLIQUE ET GRATUITE

des produits des fabriques étrangères,

AU PALAIS ST-PIERRE.

C’est à la chambre de commerce de Lyon que nous devons cette exposition, la première de ce genre. Nous ne saurions trop l’encourager à persister dans cette voie utile et rationnelle. C’est par la comparaison avec les manufactures étrangères, que les manufactures Françaises parviendront à soutenir leur supériorité, et à en convaincre ceux qu’un intérêt quelconque porterait à l’incrédulité. Il faut que cette comparaison soit impartiale, telle sera la nôtre.

Lorsque cette exposition sera close, il restera à la chambre de commerce une tâche à remplir, celle de consigner dans un compte-rendu authentique et livré à l’impression, le résultat de ses investigations sur chacun des produits exposés. Elle seule peut dignement exécuter ce travail, soit par la facilité de ses recherches, soit par les connaissances pratiques de ses membres, ou de ceux qu’elle peut en charger. Nous l’invitons à compléter ainsi l’œuvre patriotique qu’elle a entreprise.

Nous commencerons par analyser le livret imprimé1 pour faciliter les recherches des visiteurs.

Le rédacteur de cette notice expose les motifs de la chambre de commerce pour avoir sollicité cette exposition.

« La France, dit-il, ne consomme que fort peu de soieries étrangères ; elle leur prête seulement son territoire pour transiter en colis fermés, il n’est donc pas étonnant que ces soieries y soient peu connues et que bien qu’il y ait déjà long-temps qu’elles s’efforcent de disputer aux nôtres l’approvisionnement des divers marchés du monde, il y ait peu de personnes qui soient en état d’expliquer comment elles se différencient les unes des autres, comment elles s’égalent ou se surpassent, ou sont inférieures entr’elles…

Le négociant lyonnais :

« Juge à la diminution des demandes que la fabrication étrangère l’a supplanté dans la fourniture de telle ou telle étoffe ; mais il ne sait pas précisément pour quelles raisons ; il ignore si c’est parce que le consommateur a changé de goût ou parce qu’il se procure les mêmes articles à meilleur marché ou plus beaux ; et il n’a de renseignemens à cet égard que ceux qu’il reçoit des acheteurs étrangers eux-mêmes, [2.1]ou des commissionnaires qui ne sont pas toujours sans intérêt à lui exagérer la vérité. Enfin, en tout état de cause, il est dépourvu des moyens d’étudier et de reconnaître par quelles combinaisons les produits pour lesquels on délaisse les siens peuvent être établis à meilleur marché ou dans une plus grande perfection. »

L’exposition contient les articles suivans. 43 de Zurich ; 2 de Bâle ; 5 de la Saxe ; 8, de Creveld, Vierzen dans la Prusse Rhénane, 4 de Elberfeld, Barnen, etc. aussi dans la Prusse Rhénane ; 11 de Berlin et autres villes de la Prusse proprement dite ; 10 de Vienne en Autriche ; 6 de Spitalfield en Angleterre ; 71 de Manchester et autres villes manufacturières aux environs de Londres ; et enfin 5 des fabriques de Chine. La Russie, les Pays-Bas, l’Italie et l’Espagne, quoique se livrant à cette industrie, ne figurent pas à cette exposition, la chambre de commerce n’ayant pu se procurer aucun de leurs produits. Plusieurs cartes contiennent des échantillons de matières premières (laine, soie coton) sortant des manufactures d’Angleterre et d’Allemagne.

Maintenant que nous avons mis les lecteurs au courant de l’ensemble de l’exposition, nous allons nous occuper de l’apprécier en détail.

Notre examen devant être méthodique, nous le commencerons par les étoffes légères que zurich fabrique avec un avantage si marqué, dit-on, depuis 1814, que cette fabrication va nous être enlevée.

Les tissus légers qu’on appelle florences, mi-florences, marcelines, marcelinettes, lustrines, n’occupent à Lyon que peu de métiers. Depuis long-temps Avignon est en possession de ces articles ; la réputation de ses florences, dont il y a à Lyon plusieurs dépôts, est assez connue. C’est donc à cette ville plus qu’à la nôtre, que Zurich fait concurrence ; nous devons néanmoins nous livrer à quelques réflexions sur ces étoffes et sur le prix de la fabrication, pour voir si Lyon pourrait maintenir sa supériorité dans cette partie comme dans les autres. L’examen d’un seul article de ce genre, pris au hasard dans le livret, suffira, attendu que les différences de prix portés aux autres, résultent soit du poids, soit de la largeur de l’étoffe.

Le n° 1 bis porte 53 aunes mi-florences 17/48 de large ou 16 pouces, 1 fr. 27 c. l’aune, 12 % d’escompte ; le prix de façon, est coté 16 c. Cet article est le plus bas de l’exposition ; 52 aunes 17/48 pèsent 440 grammes à raison de 8 grammes 1/2 par aune. En portant à 100 fr. le kilogramme, le prix de la matière, chaîne et trame, soit 10 c. le gramme, prix auquel, il y a 9 mois, le négociant comptait le prix de revient, avec bénéfice de 25 p. % sur ses ventes. La matière revient à 85 c. l’aune, et en y ajoutant 16 c. de façon au total 1 fr. 05 c., il résulte que le négociant suisse a, sur ce prix, un bénéfice de 25 p. %, sur lequel il lui reste 26 c. par aune, soit 20 p. % pour couvrir, ses escomptes. Nous ne comptons point le prix de l’apprêt, à part, mais il se trouve bien payé, puisque le poids qu’il donne à l’étoffe, se trouve compté au prix de la soie. L’aune de Zurich n’a pas non plus, comme celle de Lyon, 120 centimètres ; quelque faible que soit la différence qui en résulte, il faut en tenir note surtout dans une masse d’affaires.

Lyon pourrait-il, d’après cette base, soutenir sur cet article la concurrence avec Zurich ? Nous avons, lors de l’exposition, entendu dire à un négociant qu’il livrerait, au prix de Zurich, des florences, marcelines, etc. Nous nous souvenons d’avoir vu, il y a quelques années, livrer à la vente au prix de 1 fr. 35 c. l’aune des pelures d’oignon, pesant 7 grammes l’aune et ayant 17 pouces de large, la façon avait été payée 40 c. l’aune. Nous pensons qu’en maintenant ce prix de 40 c., au-dessous duquel il serait impossible de fabriquer, Lyon pourrait se livrer à ce genre de fabrication ; Lyon est, de toutes les villes manufacturières, la mieux fournie : le transit des soies qui a lieu en vertu de la dernière loi de douanes, lui permet de s’approvisionner mieux et à meilleur marché, dès-lors le négociant peut choisir la soie la plus convenable à son genre de travail, et la payer au plus bas prix possible. Nous ne ferons pas l’injure aux négocians de notre ville de croire qu’ils n’aient pas autant de capitaux disponibles que leurs confrères de Zurich. Si donc Lyon a laissé échapper cette branche de commerce, c’est moins parce qu’elle ne pouvait lutter que parce qu’il a paru préférable de se livrer à ses ouvrages plus attractifs.

(La suite au prochain N°)

Notes de base de page numériques:

1 Notice de l'exposition de produits des fabriques étrangères faite par la chambre de commerce de Lyon, publié à l’imprimerie J.-M. Barret en 1834

 

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