L'Echo de la Fabrique : 28 septembre 1834 - Numéro 2

MISÈRES PROLÉTAIRES.
DISCOURS, À SES JUGES,

d?un marin accusé de mendicité, avec menaces.

J?ai vingt-sept ans de services, et je suis couvert de blessures? J?avais droit de compter sur une pension, ou au moins sur des secours ; c?est en vain que je me suis adressé aux autorités : j?ai été repoussé avec dureté? Tout m?a été refusé? J?ai sollicité de l?ouvrage pour avoir au moins un morceau de pain, je n?ai rien obtenu? désespéré, je suis revenu à Brest, où je n?ai pas été plus heureux. C?est alors que je me suis mis à tendre la main? cela valait mieux que de voler? Je conviens que j?ai dit : du pain ou la mort ; mais on s?est mépris sur mes paroles. Je ne menaçais pas ; je voulais dire qu?il ne me restait plus qu?à mourir, si je n?avais pas du pain. J?ai brisé des vitres, c?est vrai ; mais en le faisant, je n?ai eu d?autre intention que de me faire condamner. Je vous demande comme une grâce de m?envoyer pendant dix à douze ans dans une prison. Je vous serai reconnaissant de me donner ainsi un asile et du pain : tel sera le prix ?

Déclaré coupable de mendicité, de ce délit qui est bien plutôt celui de l?ordre social ; mais avec des circonstances atténuantes, CHEVREL (c?est le nom de cet infortuné marin) a été condamné à trois jours de prison?

Eh ! que voulez-vous que je devienne après ces trois jours, s?est écrié lamentablement Chevrel ?

Combien de Chevrel en France, dans cette France qu?on dit civilisée !

N?affaiblissons pas ces énergiques paroles prononcées par un prolétaire dont la misère est la seule récompense d?une vie de dévoûment à son pays. Ne les affaiblissons pas par nos tristes et impuissantes réflexions !

 

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