L'Echo de la Fabrique : 9 octobre 1834 - Numéro 3

UNE BANQUEROUTE.

Chaque jour la nécessité d’une réforme industrielle et commerciale se fait plus vivement sentir. Chaque fait nouveau qui survient, concourt à démontrer le besoin d’améliorations, dans la manière par laquelle s’opère la fabrication et la vente des richesses industrielles.

Cette semaine il n’est bruit dans notre ville que de plusieurs faillites, une entr’autres vient d’avoir lieu à Paris et menace la fortune de plusieurs autres négocians.

Profitant d’un crédit immense, M. Vouthier fils vient de partir pour l’Angleterre, enlevant à ses créanciers des marchandises pour une valeur de trois à quatre millions.

Cet évènement, qui, au premier abord, semble être indifférent pour nous travailleurs, prouve cependant combien par leurs intérêts, les différentes classes sont liées entre elles ; une ou plusieurs secousses de ce genre ont toujours pour résultat de porter la perturbation dans plusieurs maisons commerciales qui, par la privation [2.2]d’une partie de leurs capitaux, se voient forcées d’arrêter momentanément ou de diminuer la production de leurs fabriques : de là, des bras inoccupés et des familles dans le besoin.

Nous tenions à faire voir aux négocians que nous comprenons bien tout ce que leur intérêt froissé par ces criminelles banqueroutes, cause de tort social et individuel ; nous tenions à leur dire, que nous souffrons moralement et matériellement de leurs pertes ; car à un degré ou à un autre, travailleurs ou négocians, nous sommes tous solidaires.

Mais nous désirerions que de leur côté, les négocians sentissent combien leur intérêt se trouverait d’accord avec le sort des masses. Quoi qu’on dise, on ne pourra nier que la consommation des produits industriels, ne s’opère principalement par les classes laborieuses ; or, si ces classes sont misérables, si par l’abaissement des salaires l’ouvrier ne peut acheter ce qui lui est nécessaire pour vivre et se vêtir convenablement, le débouché des marchandises est fermé, et le bénéfice des négocians devient nul. Ce sont là de graves questions que nous livrons aux méditations des hommes sensés, et nous aurons souvent à revenir sur ce sujet.

Aujourd’hui, il nous suffit de dire que nous serons avec les négocians, pour réclamer des mesures gouvernementales, des traités réciproques de nation à nation, pour empêcher que désormais l’impunité n’accompagne ces voleurs de millions, dont les coupables manœuvres ont des effets bien plus déplorables que le crime, rarement impuni, d’un voleur de grand chemin.

Mais que les négocians soient aussi avec nous, lorsque nous demanderons des institutions commerciales et industrielles, en rapport avec nos besoins : qu’ils se rappellent que nos intérêts sont communs, et que plus il y aura d’équité dans la rétribution, dans le salaire du travailleur, plus le commerce sera florissant.

 

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