L'Echo de la Fabrique : 12 octobre 1834 - Numéro 4

LE JOURNAL DU COMMERCE CONVERTI.

Eh ! voyez comme
Je me trompais !

Sur la foi du Précurseur, nous avions cru, et sans doute répété que le Journal du Commerce de Lyon, s’était livré corps et biens au ministère, et que ses inspirations s’élaboraient dans le cabinet de la préfecture ; plusieurs articles même depuis le changement de rédaction annoncé avec emphase, nous avaient confirmés dans cette idée. Nous devons reconnaître notre erreur et nous hâter de le dire, il n’est jamais trop tôt pour réparer une injustice. Le Journal du Commerce vient de proclamer son indépendance d’une manière neuve, originale. Il faut lui en savoir gré, car il y a du courage à se déclarer aussi franchement en faveur du droit d’association et de coalition, au moment même où le procureur du roi poursuit plusieurs chefs d’atelier, accusés de ce délit énorme… depuis quelque temps. Nous sommes étonnés qu’en ce moment même le Journal du Commerce ne soit pas saisi ; ses gérant, rédacteurs arrêtés, ou bien en liberté sous caution, puisqu’il est de jurisprudence qu’un homme vaut cinq cents francs, et que celui qui n’a pas 500 fr. disponibles, doit coucher en prison, apparemment pour avoir le temps de les gagner.

[3.1]Voici le fait honorable sur lequel nous appelons l’attention publique. Le Journal du Commerce dans son numéro de dimanche dernier, contient un article ainsi conçu :

soieries de lyon. – conseils aux fabricansi

Une des causes de la décadence de cette industrie nationale est le manque d’union entre ceux qui l’exploitent. L’égoïsme détruit la confiance qui devrait régner pleine et entière ; il empêche toute amélioration d’avoir lieu, chacun agit isolément, au hasard, sans direction, sans avoir de but fixe, si ce n’est celui de l’intérêt…

L’homme ne devient meilleur que par le contact obligé de ses semblables ; isolé il n’est capable de rien par lui-même ; en société il veut et peut de grandes choses. Le premier moyen c’est la cessation de l’esprit d’égoïsme et d’isolement dans lequel chacun se débat, etc.

Certes, voilà bien ce que nous pensons ; nous n’avons jamais dit autre chose, et ceux, qui fondèrent le mutuellisme, n’avaient pas d’autre but. D’ou vient, que l’on poursuit en ce moment même les chefs d’ateliers qui essayent, au dire de l’autorité, de le reconstituer ; et si par hasard le Journal du Commerce n’avait pas cessé d’être l’expression des sentimens de M. le préfet, que faudrait-il en conclure ? que c’est contre le gré du premier magistrat du département que le parquet veut faire exécuter la loi contre les associations, supposé qu’elle ait été enfreinte.

Après ce préambule digne d’éloges, le Journal du Commerce conseille aux fabricans de se réunir tous les deux mois en assemblée générale et tous les mois en assemblée particulière pour chaque genre de fabrication. Cette idée nous l’avions déjà émise en demandant l’établissement d’une bourse à l’usage, non-seulement des fabricans, mais des ouvriers de tout genre, pour servir de contrepoids à la bourse, dont les commerçans de toutes professions disposent seuls, ce qui établit en leur faveur un monopole odieux, puisque, par exemple, il leur est loisible de se réunir tous les jours à l’effet d’établir la hausse et la baisse sur le prix de la main-d’œuvre ce qui cependant nous paraît totalement identique. C’est avec plaisir que nous voyons cette idée reproduite par le Journal du Commerce. Comme on voit, il ne faut désespérer de rien. Nous traiterons plus amplement ce sujet, heureux de trouver un appui dans un collègue, en possession depuis si long-temps, de la faveur et de l’estime publique, et qu’on voyait avec peine passé dans les rangs des ennemis du peuple.

Notes de fin littérales:

i. On appelle fabricans les ouvriers en soie, parce que ce sont eux qui fabriquent, et marchands-fabricans les négocians qui vendent les produits fabriqués.

 

Contrat Creative Commons

LODEL : Logiciel d'édition électronique