L'Echo de la Fabrique : 19 février 1832 - Numéro 17

AU RÉDACTEUR.

Monsieur,

Je suis de cette petite aristocratie de quatre métiers que vient de créer l’ordonnance relative a la réorganisation du conseil des prud’hommes. Je suis donc fier du droit qu’elle me confère et je veux en user religieusement, car je crois que de la nouvelle composition du conseil, comme vous l’avez fort bien dit, dépendent notre sort et celui de la fabrique d’étoffes de soie. Pourtant, comme je suis peu instruit en matière électorale, je viens vous faire quelques questions, auxquelles je vous prie de répondre pour m’éclairer, ainsi que ceux qui, comme moi, sont appelés pour la première fois à remplir un devoir qu’on ne saurait négliger sans se rendre coupable envers ceux que l’ordonnance prive, je ne sais trop pourquoi, du droit d’élire leurs juges.

Voici les questions que j’ai l’honneur de vous poser : 1° Les prud’hommes peuvent-ils être pris parmi les chefs d’ateliers ne possédant pas quatre métiers, et qui, par cela, ne sont pas électeurs ? 2° Les prud’hommes peuvent-ils être choisis en dehors de leurs arrondissemens respectifs, ou faut-il que le prud’homme ait son domicile dans l’arrondissement qui l’élira ? 3° Comme j’ai vu figurer sur les listes des chefs d’ateliers et des fabricans les mêmes noms, c’est-à-dire les mêmes personnes, est-ce que ces personnes auront le droit de voter dans deux collèges, avec les chefs d’ateliers comme chefs d’atelier, avec les fabricans comme fabricans ?

Veuillez, M. le rédacteur, dans l’intérêt de la classe que vous défendez, répondre cathégoriquement aux questions que je vous adresse, afin de nous éclairer pour que nous puissions nous fixer sur le choix de nos candidats et réclamer au besoin devant qui de droit.

J’ai l’honneur d’être, etc.,

J. B. F. ouvrier en soie.

Note du Rédacteur. Nous voudrions pouvoir répondre à notre correspondant aussi clairement qu’il le désire, mais ni l’ordonnance ni les arrêtés de M. le préfet n’ont rien défini sur les questions qu’il nous fait, et nous sommes nous-mêmes dans le doute. Cependant, nous croyons pouvoir prendre sur nous de faire quelques observations à ce sujet ; d’abord, nous croyons qu’il n’est pas entré dans la pensée des ministres de donner aux électeurs le droit de choisir leurs prud’hommes parmi les chefs d’ateliers ne possédant pas 4 métiers, et nous sommes presque certains qu’on ne permettra pas de tels choix, ce qui, selon nous, ne serait qu’une anomalie.

Pour la question relative au choix des prud’hommes en [5.1]dehors de l’arrondissement, nous croyons pouvoir répondre affirmativement : l’ordonnance n’en parle pas, ni aucun arrêté de M. le préfet, mais on ne peut borner l’élection au point de ne pas permettre aux électeurs de choisir leurs juges où bon leur semble, pourvu qu’ils aient la capacité et le cens voulu.

Quant au double vote, la charte de 1830 l’ayant aboli, nous ne pensons pas qu’on veuille le ressusciter pour les élections du conseil des prud’hommes ; d’ailleurs nous attendrons qu’un arrêté de M. le préfet nous éclaire mieux sur toutes ces questions.

 

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