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7 décembre 1834 - Numéro 12
 
 

 



 
 
    
AU REDACTEUR.

Lyon le 26 novembre 1834.

Vous avez, dans votre numéro neuf, reproduit un article du Réformateur qui demande que le gouvernement achète aux inventeurs leur secret et livre ensuite au public l?invention pour qu?il en use à son gré. Cette idée est belle, mais je ne crois pas que le gouvernement l?adopte jamais ; s?il le faisait il est certain que tous les inventeurs accepteraient avec joie une récompense même modique. Ils y trouveraient bien leur compte. En effet, croyez-vous, par exemple, que le mécanicien, assez heureux pour avoir réussi, puisse se reposer et jouir en paix du fruit de son travail ? Je ne vous parle pas des démarches qu?il a à faire pour obtenir un brevet d?invention ; c?est-à-dire la patente pour exploiter une industrie qui est bien sa propriété puisqu?il vient de la créer. Il faut qu?il paye pour obtenir ce brevet : il y a loin, comme vous voyez, du système actuel à celui que vous proposez. Je suppose que ce mécanicien a toute l?activité nécessaire pour faire ces démarches et l?argent indispensable pour acheter son brevet, ou bien qu?il a trouvé des amis, lesquels, confians dans son succès, lui ont fait les avances ; eh bien ! il n?y a rien de fait. Le plus difficile est resté : il faut que le mécanicien sorte de son atelier où de plus importans travaux le retiennent, pour aller successivement devant tous les tribunaux demander justice contre d?audacieux contrefacteurs, ces frelons de l?industrie. Il l?obtiendra, c?est probable ; mais à quel prix ? Les dommages et intérêts qui lui seront alloués seront loin de l?indemniser ; les recevra-t-il même ? Et bientôt, les contrefacteurs n?ayant à se récupérer d?aucune avance, d?aucun temps perdu dans les essais de l?invention, livreront à bien meilleur marché qu?il ne peut le faire lui-même ; il en résultera contre lui une concurrence ruineuse. Ce que je vous dis, monsieur, est l?exacte vérité et je vous parle d?après ma propre expérience. Il est urgent que la législation sur les brevets soit révisée, que des peines plus sévères soient prononcées contre les contrefacteurs, que la justice soit plus prompte, et en attendant que le gouvernement paye les inventeurs, ne serait-il pas convenable qu?il s?abstienne de les faire payer pour délivrer les brevets d?invention.

Je livre ces réflexions à votre sagesse et à l?appréciation du public. Si vous jugez utile de publier ma lettre vous obligerez etc.

david, mécanicien, place Croix-Paquet, inventeur-breveté des nouvelles mécaniques.

Note du rédacteur. Nous approuvons entièrement les réflexions de M. David. Nous persistons à croire que c?est au gouvernement, loin de tirer un tribut de la délivrance des brevets d?invention, à récompenser les inventeurs et livrer au public les découvertes. Au demeurant, la législation sur les brevets, même en restant dans l?ordre [3.2]de choses actuel a besoin d?être révisée. Ce serait au conseil des prud?hommes en 1er ressort et au tribunal de commerce en appel, à connaître des contestations relatives aux brevets d?inventions et non aux juges de paix totalement étrangers à l?industrie. Nous avons inséré, à ce sujet, un article bon à consulter, de M. Ph. Hedde, conservateur du musée à St-Etienne, dans le N° 15 de l?Écho des travailleurs : nous y renvoyons les lecteurs.

 

 

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