L'Echo de la Fabrique : 25 janvier 1835 - Numéro 4

FOIRES AUX MARCHANDISES,

aux chevaux et aux bestiaux

Appliquées aux filles nubiles et aux domestiques.

Le titre de cet article ressemble à une plaisanterie, et cependant rien n?est plus vrai. L?on voit jusqu?où peut aller le mépris de l?espèce humaine. Les foires ou marchés destinés à l?échange des produits naturels ou manufacturés datent de l?enfance du commerce ; le commerce parvenu à son apogée les a conservées. A-t-il eu tort ou raison ? La question est grave et délicate, nous ne voulons pas quant à présent l?examiner. Nous admettrons même que ces marchés publics connus sous le nom de foires d?Ispahan, Calcutta, Leipzig, Francfort, Beaucaire, etc., sont utiles en ce qu?ils rapprochent les négocians des différentes parties du monde et facilitent partout l?échange des divers produits. Nous n?avons pas autant d?indulgence pour ces foires locales qui s?établissent la plupart au détriment du commerce sédentaire, et versent à la consommation des articles inférieurs et parlant toujours trop chers ; mais encore une fois ce n?est pas là la question qui nous occupe.

Instituées pour les marchandises et ensuite pour les objets assimilés aux marchandises, tels que bestiaux, chevaux, etc. les foires ont envahi des choses qui ne sont pas dans le commerce, les personnes ; c?est contre cet abus que nous nous élevons. Nous connaissons bien la foire aux demoiselles qui a lieu dans les contrées encore barbares de la Valachie, mais nous ignorons qu?à quelques lieux de cette ville, à l?Arbresle et autres communes il existât une foire pour les domestiques. M. Charnier vient de nous révéler cet abus (V. l?Indicateur, n° 18) et ce qui nous étonne de la part d?un homme aussi éclairé et aussi partisan de la dignité de la classe ouvrière c?est qu?il loue cet usage et propose de l?étendre en ouvrant à Lyon, sous les auspices de l?autorité une Bourse d?ouvriers et de chefs d?atelier. Le mot Bourse n?est pas là dans son acception naturelle et dès-lors on ne peut le prendre que pour synonyme de foire. Que dirons-nous de l?idée d?assimiler à de simples man?uvriers et à des domestiques, à tant par aune, les chefs d?atelier de la fabrique de soierie et les compagnons qu?ils emploient. L?impossibilité est palpable, M. Charnier n?y a pas songé, il est peu séant à notre avis d?émettre de pareilles idées qui sont loin d?être le résultat d?une marche progressive.

Nous ne terminerons pas sans rappeler que la pensée d?ouvrir une Bourse à l?usage de la classe ouvrière et à l?instar de celles qui existent pour les négocians, Bourse qui aurait été pour les travailleurs un lieu de réunion [4.1]et où l?on aurait été côté le salaire comme ailleurs on cote le prix des marchandises et l?agiot, que cette pensée appartient aux rédacteurs de la Tribune Prolétaire qui l?ont déjà émise soit dans ce journal, soit dans l?Echo de la Fabrique : elle n?est donc pas nouvelle ; moins que tout autre M. Charnier ne devrait pas l?ignorer. Si elle n?a pas été développée plus amplement, c?est qu?elle avait besoin d?être mûrie, et plus tard les circonstances en auraient rendu la discussion oiseuse, peut-être dangereuse.

 

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